
Christine Zwingmann dans « Ephémère » en la Collégiale Notre Dame de Ribérac ©Arnaud_Galy-Maison du Goupillou G748
Le Peu et le Rêve tel est le titre de l’expo consacrée en la Collégiale de Ribérac (Dordogne) aux œuvres de Gilles Saigne. Elle se poursuit jusqu’au 3 août. Dans le même lieu, en parallèle avec l’exposition et suivant le même esprit, s’est déroulée samedi dernier Ephémère performance-dansée par la chorégraphe et danseuse, Christine Zwingmann sur une musique composée par le même Gilles Saigne.
Sous cet article, la vidéo intégrale d’Ephémère
Voici la présentation de l’expo et du spectacle lue samedi 19 juillet, présentation qui a commencé par l’explication de Christine Zwingmann sur son travail. Je la cite donc:
Lorsque je danse, ma vision du réel change. Mon corps agit avant ma pensée, comme un réflexe qui n’a pas d’autre racine que la forme. Ma recherche consiste à dévoiler le processus qui provoque en moi le désir du geste. La danse est un état qui m’induit à entamer un dialogue d’ordre spirituel avec le spectateur. Qui, par cet échange, peut retrouver en lui des sensations qu’il avait peut-être enfouies.
« Ephémère » pose le postulat que rien ne dure, surtout pas le bonheur. Comme la vie, la chorégraphie est une suite de mouvements, fugaces par nature. L’intention, les formes, le rythme du danseur impriment dans la rétine du spectateur une histoire pouvant réveiller des émotions, ne serait-ce qu’esthétiques ou plus personnelles. Le présent vient accrocher une bribe du passé et pourquoi pas du futur.
Un artiste complet
Venons-en maintenant aux créations de Gilles Saigne. Sa caractéristique fondamentale est de vivre en créateur artistique complet. Par la peinture, la sculpture, l’écriture et la musique, il utilise tous ces truchements pour traduire sa pensée, ses émotions, ses rêves.
Vous allez rapidement vous rendre compte de la profonde complicité qui unit les tableaux, la musique et la danse.
« Le Peu et le Rêve » est un acte de résistance à double titre.
La Leçon de Ribérac
Ouvrons juste cette parenthèse: hasard ou synchronicité? La Leçon de Ribérac ou l’Europe française a été écrite dans notre région, à Javerlhac, par Louis Aragon au lendemain de la défaite de 1940. Cet essai constitue le premier acte de la résistance culturelle au nazisme et fait référence au troubadour et grand poète Arnaud Daniel, seigneur de Ribérac, né au château qui se trouvait juste à côté de cette Collégiale.
Revenons à notre époque.
Résistance d’ordre sociétal, disions-nous, car Gilles Saigne nage à contre-courant de notre ère du Trop. Nous pataugeons au milieu du bourbier des superlatifs. Dans les médias, les discussions, en politique, en sports, bref dans tous les domaines de l’activité humaine, tout devient prétexte à boursouflures.
Un certain chef d’Etat porteur de moumoute jaune n’est que l’expression la plus visible, la plus caricaturale du « toujours plus » qui s’impose. Et c’est bien la démocratie qui risque fort de sombrer sous les coups de cet hybris.
Le plus court chemin vers le néant
Résistance d’ordre métaphysique surtout car la démarche du Gilles Saigne va plus loin que le seul aspect sociétal.
« C’est trop bon », disent les djeunes pour qualifier leur extase. Les plus triviales expressions trahissent ce qui meut une époque. Mais à force de Trop, on perd tout rapport avec ce soi profond, cette étincelle divine en nous qui – au-delà de toutes les religions – nous relie à la force vitale de l’univers.
Dans ce fatras d’émotions factices et grossières, l’humain ne peut plus vivre en état de rêve, cette porte vers lui-même et vers l’imaginaire des autres humains. Cet imaginaire qui fait avancer toute l’humanité vers l’harmonie de l’essentiel, j’allais dire de l’essence-ciel.
Le Trop est le plus court chemin vers le néant. Le Peu et son Rêve nous sauveront-ils du précipice? A chacune, chacun de nous de répondre.
Jean-Noël Cuénod
EPHEMERE
Interprétation et chorégraphie: Christine Zwingmann; musique: Gilles Saigne; captation vidéo: Arnaud Galy-Maison du Goupillou G748