Accord Etats-Unis-UE: « Chamberlinette » n’a pas pesé lourd face à l’Ogre!

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Photo partagée sur les réseaux sociaux par la porte-parole de la Commission européenne. Pas de quoi être fier pourtant! ©DR

«Capitulation» pour Dominique de Villepin, «soumission» pour le premier ministre français Bayrou, l’ «accord» imposé par Donald Trump à l’Union Européenne suscite majoritairement la réprobation. Des voix moins nombreuses murmurent qu’il valait mieux ce mauvais accord qu’une guerre commerciale. Mais l’accord restera mauvais alors que la guerre commerciale ne sera pas évitée pour autant.

«Vous avez voulu éviter la guerre au prix du déshonneur. Vous aurez, et le déshonneur et la guerre» aurait lancé Winston Churchill au premier ministre britannique Neville Chamberlain à l’issue du Traité de Munich en 1938.

La « Chamberlinette » de Bruxelles

On ne prête qu’aux riches, cette formule n’aurait jamais été prononcée par le glorieux Winston. C’est bien dommage car elle colle fort bien à la « Chamberlinette » de Bruxelles, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.

Par rapport aux accords passés entre le président Trump avec la Chine, le Japon et même la Grande-Bretagne, l’Union Européenne s’en sort particulièrement mal. «Je ne sais pas si on peut appeler cela un accord » ironise l’ancien Commissaire européen Thierry Breton. Voici les termes de ce qui relève plutôt d’un acte de capitulation (lire ici le «réquisitoire» de Dominique de Villepin dans Le Grand Continent)

Les Etats-Unis frapperont les produits exportés par les pays de l’Union européenne (UE) d’une taxe douanière de 15%.

Les entreprises établies dans les Etats de l’UE devront investir 600 milliards de dollars (environ 521 milliards d’euros et 484 milliards de francs suisses) sur sol étatsunien.

L’Union Européenne s’engage à acheter, sur trois ans, 750 milliards de dollars (650 milliards d’euros et 605 milliards de francs suisses) aux Etats-Unis en produits d’énergie constitués principalement de gaz naturel liquéfié (GNL).

Et en contrepartie? Rien!

Et en contrepartie? Rien ou si peu! Trump renonce à sa menace de taxer les produits de l’UE à 30%. Mais 15% de taxes douanières, cela reste énorme dans la mesure où la moyenne des taxes perçues par les Etats-Unis n’atteignaient que 4,8%.

Pour défendre son «deal» avec Yellow Moumoute, la «Chamberlinette» de Bruxelles excipe de deux arguments.

Le premier: l’accord rendra aux échanges commerciaux cette stabilité indispensable aux entreprises européennes. C’est vraiment s’aveugler sur la politique suivie par Trump! Il n’a cessé de clamer son irrespect foncier de tout engagement et sa capacité à changer de décisions sans s’occuper de ses partenaires. Du jour au lendemain, le président étatsunien peut briser cet accord s’il juge bon de le faire. Stabilité est un mot qu’il faut oublier tant que ce type occupe la Maison-Blanche.

Second argument: même déséquilibré, cet accord évitera la guerre commerciale. Mais cette guerre nous l’avons déjà! Elle n’est nullement terminée avec cet accord. Car enfin, comment les entreprises sur sol de l’Union Européenne pourront-elles investir 600 milliards de dollars aux Etats-Unis alors que les économies des pays de l’UE éprouvent un urgent besoin de financement pour parer à leur désindustrialisation et pour financer leurs plantureux  programmes d’armement? Si les entreprises de l’UE ne parviennent pas  à investir les sommes prévues par l’ «accord», nul doute que Trump déclenchera de nouveaux assauts contre l’Union Européenne.

Lâche avec les forts impitoyable avec les faibles

Nous savons toutes et tous que le président Trump n’envisage que les rapports de force au sens le plus basique de l’expression.

Yellow Moumoute démontre régulièrement qu’il est lâche avec les forts et impitoyable avec les faibles. L’exemple offert par sa confrontation avec la Chine confirme ce trait de caractère.

Trump avait bombardé la Chine de menaces tarifaires extravagantes. Pékin a répliqué vertement en prévoyant de frapper les exportations étatsuniennes de taxes douanières tout aussi démentielles. Ses menaces visaient surtout à frapper les ventes à la Chine de produits agricoles provenant des régions étatsuniennes qui votent majoritairement en faveur du président actuel et de son Parti républicain. Résultat: Yellow Moumoute s’est couché et a reporté aux calendes grecques (voire chinoises) ses hausses de tarifs contre Pékin.

Bruxelles possédait pourtant un arsenal

Avec son marché de 450 millions d’habitants au fort pouvoir d’achat, l’Union Européenne semblait armée pour opposer aux Etats-Unis un résistance digne de ce nom. On a vu le triste résultat.

La liste qui visait à taxer les produits étatsuniens exportés vers Bruxelles à hauteur de 93 milliards d’euros a été mise au réfrigérateur, comme le rappelle Le Temps .

Plus consternant encore. L’Union Européenne s’est forgée un «instrument anti-coercition» prévoyant une batterie de mesures de rétorsion rapide contre toutes les opérations de chantage économique. Parmi les menaces prévues: la suspension de l’accès des entreprises étatsuniennes aux marchés publics de l’Union Européenne.

Or, la délégation emmenée par Ursula von der Leyen a gentiment rangé cet arsenal dans une armoire bien fermée.

Pour quelles raisons l’Union Européenne a-t-elle ainsi capitulé en rase campagne? Retenons-en trois.

  1. Faiblesse de la délégation de l’UE face à Trump. A l’évidence, le présidente de la Commission Européenne porte une lourde responsabilité dans cet échec. Pour affronter Trump, l’adversaire doit faire montre d’un caractère particulièrement affirmé et bien trempé. Surtout ne pas baisser la garde au risque d’être terrassé par une série de crochets et d’uppercuts. En ne montrant aucune velléité sérieuse de faire usage de ses armes, Ursula von der Leyen était perdante d’avance. Mais cet aspect n’est en fin de compte que secondaire. D’autres causes sont intervenues.
  2. Absence d’unité des pays européens. Le plus pugnace des Européens, le président français Emmanuel Macron, s’est montré incapable de convaincre les autres pays de l’UE à le suivre dans sa détermination pour s’opposer à Yellow Moumoute. Il faut dire que la situation politique de la France, sans majorité parlementaire, lui a fait perdre l’essentiel de sa crédibilité. Les Italiens et les Allemands, gros exportateurs vers les Etats-Unis, se sont montrés pusillanimes, soucieux de tenter de limiter les dégâts. Même état d’esprit dans les pays de l’Est, qui espèrent toujours que le parapluie militaire étatsunien les protègera. Apparemment la versatilité de Trump face au soutien à l’Ukraine ne les a pas vaccinés.
  3. Absence de structures démocratiques solides de l’Union Européenne. On ne sait d’ailleurs pas ce qu’elle est réellement. Ni un Etat même fédéral ni une organisation internationale, elle tient un peu des deux à la fois ce qui affaiblit son architecture. Elle reste un regroupement protéiforme de vingt-sept Etats indépendants rendu inefficace par la règle de l’unanimité dans les prises de décision. Dès lors, cette faible légitimité a pesé défavorablement face à un président des Etats-Unis élus par une majorité d’électeurs.

La méchanceté peu devenir une vertu

A moyen terme, l’Union Européenne ne pourra plus pousser sous le tapis ces questions embrassantes dans leur simplicité: qui suis-je? Qu’elle est ma légitimité? Qui représenté-je?

Mais il faudra bien affronter le court terme car cette guerre commerciale n’est pas terminée, répétons-le. Les conditions imposées par Trump à Bruxelles sont tellement disproportionnées que des difficultés apparaitront forcément un jour ou l’autre. Pour affronter l’Ogre sans scrupule, l’Union Européenne devra lui répondre de façon musclée, voire tordue.

Dans un monde de salauds, la méchanceté peut devenir une vertu.

Jean-Noël Cuénod

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