La situation est tout sauf claire en Syrie…©JNC_Beaurecueil-forge de la Poésie
Les ruines de la Syrie sont encore fumantes, les bombardements se poursuivent, la situation politique est tout sauf claire après la prise du pouvoir par le groupe HTC. Mais voilà que les extrêmes-droite européennes exigent le retour dans leur pays du million de réfugiés syriens! Et les droites, qui occupent le pouvoir dans la plupart des pays du continent, leur emboîtent le pas de façon chafouine.
Le président turc Erdogan – soutien actif de HTC(1) – s’efforce de donner une allure convenable aux combattants islamistes qui ont eu l’immense mérite de chasser Bachar al-Assad, l’un des pires tyrans de la planète (la concurrence, pourtant, est rude).
Pour l’instant, le chef de HTC al-Jolani fait un sans-faute. Il a même choisi le retrait – apparent – en ne prenant pas lui-même le pouvoir et en nommant comme premier ministre de transition, Mohammad al-Bachir. Celui-ci a multiplié les propos rassurants en garantissant les droits de toutes les minorités ethniques ou religieuses. HTC est, en effet, d’obédience sunnite, confession musulmane majoritaire en Syrie qui comprend diverses autres religions dont le christianisme.
Difficile d’en demander plus…
La plupart des experts constatent que dans la région d’Iblid – contrôlée par HTC depuis 2017 – la minorité chrétienne peut pratiquer sa religion en faisant profil bas et en évitant les croix sur les églises. Dans le climat actuel du Proche Orient, il est difficile d’en demander plus.
Le journaliste de France 24 Wassim Nasr – qui connaît bien les combattants de HTC et les régions sous leur domination – se veut à la fois rassurant et réaliste:
« Les filles vont à l’école, les femmes conduisent, on voit des gens fumer dans la rue. Bien sûr, ils sont loin d’épouser les valeurs démocratiques ou celles d’une société libérale mais c’est un virage. Ce ne sont pas de grands démocrates, ni des laïques. Ils sont rigoristes et islamistes mais ce ne sont pas des djihadistes dans le sens d’Al-Qaïda ou du groupe Etat islamique ».
Faire oublier Al-Qaïda
Bref, les nouveaux maîtres de Damas développent moult efforts pour faire oublier leur ancienne allégeance à Al-Qaïda.
Cela dit, on nous a déjà fait le coup des « talibans modérés » en Afghanistan ou de l’islamisme façon démocratie-chrétienne en Turquie. On a vu le brillant résultat!
Ceux qui veulent bouter subito les réfugiés syriens hors d’Europe sont tellement pressés de faire enfiler un complet-veston-cravate aux combattants de HTC qu’ils ne veulent pas voir quelques évidences.
Tout d’abord, al-Jolani et ses troupes n’ont nullement renié leur idéologie islamiste qui porte en elle les ferments de la violence, à savoir la volonté de domination de l’islam sur les autres religions et le rejet de la laïcité.
L’assassin de Samuel Paty…
Ensuite, le site Les Clefs du Moyen-Orient rappelle opportunément que HTC accueille actuellement plusieurs djihadistes français et que l’assassin de Samuel Paty, égorgé le 16 octobre 2020, se trouvait en liaison avec des membres de HTC.
Enfin, la paix est loin d’être revenue en Syrie. Deux fronts sont actuellement ouverts: au nord entre les combattants soutenus par la Turquie contre les Kurdes syriens; au sud, avec Israël qui poursuit ses bombardements pour que l’armement de Bachar al-Assad ne tombe pas dans les mains des adversaires de Tsahal.
Dès lors, un rapatriement hâtif des réfugiés syriens les exposerait à des risques mortels.
Le facteur humain
Il existe un autre aspect pour lequel les droitistes n’ont aucune considération: c’est le facteur humain. Va-t-on du jour au lendemain arracher des femmes, des hommes, des enfants à leur vie en Europe où ils ont tissé mille liens affectifs et sociaux?
La moindre des choses serait de voir en eux des êtres humains et non des lignes dans les statistiques migratoires.
Jean-Noël Cuénod
1 HTC: Hayat Tahrir al-Cham; en français: Organisation de Libération du Levant.