Nos dirigeants de tous poils ne manquent pas d’air. Et nous avons le souffle coupé… Il plane dans l’air du temps, le souffle. De la Covid-19 qui prend en grippe nos poumons aux manifs du mouvement Black Lives Matters qui ont pour cri de ralliement, I can’t breathe ! Sans oublier, Rouah, ce Souffle de l’Esprit qui devrait nous animer si nous savions encore respirer.
I can’t breathe ! C’était le cri ultime d’Eric Garner, tué en juillet 2014 par étranglement lors d’une intervention de police. C’est aussi la dernière parole, le 25 mai dernier, de George Floyd sous le genou du flic Chauvin et celle de Manuel Ellis, qui le 3 mars à Tacoma, est mort lui aussi par « étranglement policier ». Trois Américains noirs, parmi tant d’autres victimes de ceux qui disposent du « monopole de la violence légitime ».
Par une curieuse mais fort évocatrice conjonction, les événements majeurs de ce premier semestre 2020 sont illustrés par un symbole commun, le souffle ou plutôt sa brutale suppression. Comme si l’air s’était retiré de notre monde.
Entre l’Afro-Americain étranglé par un flic et le malade atteint du coronavirus en phase aiguë, un seul appel vibrant sur le fil de l’angoisse : « Je ne peux plus respirer ! ». Rien à voir entre les deux ? Tout à voir au contraire. Notre ère est celle de l’air qui manque. Bien avant que la Covid-19 ne lance ses attaques sur nos poumons, la pollution étouffait les grandes villes. Et les étouffe encore car les effets bénéfiques du confinement seront vite dissipés par les miasmes habituels.
Souffle Vie
Comme l’indiquent les mots prāna en sanskrit, pneuma en grec et rouah en hébreux, le souffle ou l’air signifie aussi « vie », « principe vital », « âme », « esprit ». Le souffle est ce principe de vie qui relie les composantes opposées de notre être, éternelles et mortelles, matière et esprit, corps et âme. C’est donc le souffle qui forme notre unité en tant qu’individu particulier et qui permet aux vivants de persévérer dans leur être.
Priver d’air un homme le tue physiquement. Polluer l’air qu’il respire empoisonne son âme, cet état de son être qui le relie à Quinousdépasse et qui n’a pas de nom puisqu’Il les contient tous.
L’air contient trop de métaux lourds, dit la Faculté pour expliquer nos insuffisances respiratoires. L’âme aussi est empoissée de métaux lourds, ces boulets matérialistes que nous traînons persuadés qu’il ne faut surtout pas élever notre pensée vers cet Eternel Vivant qui nous fait peur tant il risque de nous demander des comptes, de secouer notre paresse d’esprit, de rompre nos habitudes. Habitudes d’esclaves, certes. Mais habitudes qui nous laissent en repos comme le bétail devant sa mangeoire.
« Je ne peux plus respirer ! »… Ce n’est pas seulement le cri de détresse devant la brutalité en uniforme. C’est aussi l’exclamation de la femme et de l’homme qui n’en peuvent plus d’être accablés de stress, de pressions sociales et professionnelles et d’étranglement intellectuel par médias interposés.
« Je ne peux plus respirer ! » … mon âme est à bout de souffle et ne sait où quêter son assistance respiratoire.
Pour reprendre notre Souffle, pour qu’il revivifie à nouveau chaque humain et l’humanité, il nous faudra changer, radicalement, d’ère.
D’un souffle en guise de point final, cet extrait de Lettera Amorosa de René Char : L’air que je sens toujours prêt à manquer à la plupart des êtres, s’il te traverse, a une profusion et des loisirs étincelants.
Jean-Noël Cuénod
C’est tellement juste !
Ouais! à son seul profit… Quelle attitude devant celui qui ne manque pas d’air?
a-t-il raison d’occuper ma place?
C’est effectivement jouissif de ne « pas manquer d’air »