Tapi dans le cerveau reptilien du porteur de slip kangourou, le porc roupille. Le danger serait d’ignorer sa présence, ce qui empêcherait la vigilance de le ramener fissa dans sa bauge. Aucun homme ne peut s’exonérer de sa part noire. Il faut vivre avec ça. Avec ce Ça qui fait partie de la vie. Grâce à qui la vie se perpétue. Mais à cause de qui, elle peut sombrer dans la mort, sous ses formes diverses. La culture, commence là : en domestiquant les morts et en domestiquant la Bestiole. La sépulture pour les uns, l’érotisme pour elle.
Oui, l’érotisme ! Evidemment, l’érotisme… Il ne s’attache pas à la reproduction médiatique de l’acte sexuel qui relève de la pornographie. C’est le désir qui est l’objet de toute son attention. Le désir qui naît dans l’imaginaire et se déploie par la sublimation poétique du corps de l’autre. Le désir qui fortifie le sentiment amoureux, qui prépare à l’extase de deux corps se priant l’un l’autre dans la première des communions. Le porc se mue alors en prince charmant. Ou en homme, tout simplement.
En tuant l’érotisme, la pruderie américaine a laissé la porte ouverte à la pornographie, à cet étalage mécanique de la sexualité, sans mystère, sans poésie, genre charcuterie (on reste dans le porc). Et la cupidité de l’hypercapitalisme en a fait un objet de profit. Tout fait ventre et tout fait vendre.
C’est tout ce qu’il connaît, l’hypercapitalisme : le profit et le rapport de force. Comme Weinstein, comme tous les autres dont les regards ne vont pas plus loin que leur groin frémissant, comme tous les grands et petits chefs qui paluchent leurs subordonnées dans les recoins. Weinstein, c’est l’hypercapitalisme personnifié.
Que le mouvement de dénonciation né de la diffusion sur touitteure de #balancetonporc dérape dans tous les sens, c’est la loi du genre. Les réseaux sociaux ne sont pas le lieu idoine pour des conversations au coin du feu. Le sens des nuances leur est inconnu. Mais utiliser leurs caractéristiques pour ne pas entendre les cris de souffrance de ces femmes ou pour les discréditer, cela relève de la Tartufferie (« Quoi de nouveau ? Molière », disait Sacha Guitry). Décidément, le porc grillé, ça pue.
Nous vivons dans une société qui a chassé de tous ses secteurs l’érotisme et la poésie. Comme s’il fallait éradiquer de notre cerveau, ces empêcheurs de se faire aliéner en rond. Nous en payons aujourd’hui le prix. Alors, cette parole qui se libère, jusque dans ses outrances, jusque dans ses injustices, elle fait du bien. Et pas seulement qu’aux femmes.
Comme dans l’amour courtois – qui n’était pas que platonique – c’est à la Dame de définir les règles du jeu avec l’homme. C’est elle qui, en portant la vie, porte le monde.
Jean-Noël Cuénod
Merci à Acé et à Bernard Thomas-Roudeix, les auteurs des dessins.
Parfait l’ami ! Merci