Referendum, mon beau souci français

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Affiches faisant la promotion du Oui au mariage pour tous en Suisse (accepté par 64% des citoyens  en septembre 2021).

Après la réélection d’Emmanuel Macron, la question du referendum taraude la France. Les Gilets Jaunes, le nombre élevé d’abstentionnistes et de votes « blanc » – mais aussi les doléances émises par nombre d’électeurs lors de la campagne électorale – illustrent la volonté d’une large majorité de Français d’être associés aux prises de décision. C’est loin d’être le cas maintenant.

Si la victoire d’Emmanuel Macon ne souffre aucune discussion par l’écart important qui le sépare de son opposante au second tour Marine Le Pen, il n’en demeure pas moins qu’il n’a été élu que par quatre électeurs sur dix, en tenant compte des votes nuls ou « blanc » et des abstentions (lire ici pour plus de détails).

Les Gilets Jaunes citèrent souvent la démocratie semi-directe suisse pour faire du RIC (referendum d’initiative citoyenne) leur revendication-phare. Dès lors, l’équivalent français de nos initiatives populaires et autres referenda constitue la première des solutions possibles pour que les citoyens de l’Hexagone puissent faire entendre leur voix, en dehors des élections où ils ne font que déléguer à d’autres la défense de leurs intérêts et de leurs idées.

Une idée…révolutionnaire !

Contrairement à ce que pourrait faire penser la situation présente, la démocratie semi-directe n’est pas une idée neuve en France. Elle apparaît à la Révolution, notamment dans la Constitution du 6 messidor an I (24 juin 1793) adoptée par referendum. Elle ne fut jamais appliquée en raison de l’état d’exception décrété à la suite des guerres menées par les monarchies coalisées.

Actuellement, le referendum « à la française » tient plus du plébiscite[1] que d’une consultation populaire « à la suisse ». Il est en vigueur depuis la création de la Ve République le 4 octobre 1958.

Le président de la République peut soumettre à referendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique ou sociale de la nation et aux services publics qui y concourent ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions.

Seulement 9 referenda en 64 ans

Théoriquement, ce processus doit être proposé par le gouvernement (qui reste aux ordres du président hors période de cohabitation) ou par une proposition conjointe des deux chambres du parlement français, l’Assemblée nationale et le Sénat. Mais en pratique, c’est le président qui décide d’en appeler au peuple.

Autre chicane, « le projet ou la proposition de révision doit être voté par les deux assemblées en termes identiques » selon le Conseil constitutionnel français. Cela explique qu’en 64 ans, seuls neuf referenda ont été proposés aux Français (dix si l’on y inclut le referendum du 28 septembre 1958 qui approuvait, encore sous la IVe République, la nouvelle Constitution).

Depuis 2008, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, un autre type de referendum est apparu mais qui relève plus de l’effet d’annonce et de l’usine à gaz que d’une réelle avancée démocratique. Une proposition de loi peut être soumise à referendum si elle est soutenue par un cinquième des parlementaires (soit 185 sur 925, députés et sénateurs) puis, dans un second temps, par le dixième du corps électoral (soit 4.870.000 citoyens sur 48,7 millions d’électeurs en 2022). Le délai pour réunir les paraphes de citoyens est fixé à neuf mois. Inutile de dire qu’un tel accouchement relève de la mission impossible !

Même un sujet aussi populaire que le caractère de service public des aéroports de Paris n’a pas pu réunir en 2019-2020 autant de signatures dans un laps de temps si réduit (1.093.030 sur 4.717.396 paraphes exigés).

Il paraît évident que l’alors président Sarkozy avait voulu faire un semblant de geste démocratique sans que cela ne cause d’ennuis aux gouvernants.

Emmanuel Macron et les conventions citoyennes

Tous les candidats du premier tour de la présidentielle de 2022 ont, soit soutenu le referendum d’initiative citoyenne (RIC), soit présenté d’autres idées amplifiant les droits politiques des Français, sans pour autant recourir forcément au référendum. La question est d’ailleurs … plébiscitée par la population (lire ici).

Petit tour d’horizon des positions actuelles.

Par tempérament, le président Macron rejette le referendum d’initiative citoyenne tel qu’il a été revendiqué par les Gilets Jaunes, beaucoup trop éloigné de sa conception verticale du pouvoir. Mais il sent bien le vent tourner. Lors de la campagne, il a émis l’idée de soumettre à referendum (tel qu’il est instauré sous la Ve République) son projet de réforme des retraites.  « Parole verbale » sans doute, car le recours au referendum dépend aussi du parlement et donc des élections à l’Assemblée nationale de juin prochain.

Surtout, Emmanuel Macron envisage de recourir aux Conventions citoyennes. Le principe : un certain nombre de citoyens sont tirés au sort à partir des listes électorales et invités à délibérer sur un grand sujet de société. Il a fait part de ce projet lors de la récente campagne présidentielle à Aubervilliers, notamment à propos de la future loi sur la fin de vie. Cette Convention citoyenne aboutirait à des conclusions et propositions qui seraient soumises au parlement voire au peuple.

Un bémol sonore : lors de son premier quinquennat, Emmanuel Macron a déjà recouru à une Convention citoyennes de 150 Français tirés au sort ; ils avaient émis 149 propositions pour améliorer la législation sur le climat. Or, selon le site Reporterre seulement 15 (28 selon Le Monde) d’entre elles ont été retenues par le gouvernement (lire ici), suscitant la plus vive déception chez les « conventionnels » qui avaient consacré 102 heures de leur temps entre octobre 2019 et juin 2020.

S’il confirme son intention de recourir aux Conventions citoyennes, le président-bis est condamné à ne plus décevoir les citoyens conventionnels, au risque d’enterrer définitivement cette idée.

Marine Le Pen favorable au RIC

La candidate du Rassemblement National n’a pas réservé une grande place à la réforme de la vie politique. Néanmoins, elle défend l’idée du RIC (referendum d’initiative citoyenne) qui serait mis en branle par 500 000 citoyens pour se saisir des sujets de société. Son rival d’extrême-droite Eric Zemmour lorgnait sur la Suisse en proposant d’ « instaurer un referendum obligatoire pour toute proposition de révision de la Constitution, ratification de traité européen ou élargissement de l’Union Européenne ».

Valérie Pécresse, candidate malheureuse de la droite de gouvernement Les Républicains élevait le seuil de signature pour un « referendum d’initiative populaire » à un million de citoyens.

A l’extrême-gauche, Jean-Luc Mélenchon (France Insoumise) – numéro 3 de la récente élection présidentielle – a proposé une réforme profonde de la vie politique en instaurant divers types de referendum d’initiative citoyennes dont un révoquant des élus qui n’appliqueraient pas leur programme (vaste sujet !) et un autre abrogeant une loi.

Anne Hidalgo, candidate très malheureuse du Parti socialiste était partisane d’un referendum d’initiative citoyenne.

Comités citoyens au sein du parlement

Emanant d’un professeur de droit public à l’Université de Paris II, Denis Baranger, une autre proposition commence à faire son chemin : la création de comités de citoyens à l’intérieur des deux chambres du parlement afin de les associer à l’élaboration des lois (lire ici son blogue).

C’est donc un Concours Lépine de la démocratie participative qui est désormais lancé en France. Dans une République sous tension, associer les citoyens plus étroitement à la décision politique n’est plus seulement une idée généreuse, c’est devenu une urgente nécessité.

Jean-Noël Cuénod

[1] Grosso modo, dans le plébiscite, c’est le haut qui questionne le bas.

Cet article est paru vendredi via le magazine numérique BON POUR LA TETE – Le média indocile https://bonpourlatete.com 

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