Lorsque la démesure est devenue de toutes choses, la seule mesure, lorsque les repères deviennent cendres dans les repaires en feu, lorsque « tout change de pôle et d’épaule » comme l’écrivait Aragon, la poésie devient le seul lieu respirable. Au-dessus de la mêlée? Oh non! Juste en son sein, une bulle. Poème à lire et à ouïr.
A LIRE
Si la rose est consciente de son parfum
Si la rose est consciente de son parfum
Alors chacun de tes matins sera différent
Un autre récit d’une autre vie s’ouvrira
Ce que tu croyais solide s’effritera
Tes songes au creux du vent prendront racines
La vie toute la vie changera de forme
L’essentiel deviendra futilité
L’important ne sera plus qu’une bagatelle
Tu prendras la réalité pour ton désir
Les idoles s’effondreront en poussière
Si la rose est consciente de son parfum
Tu laisseras la nuit s’écouler en toi
Tu verras Dieu au fond de ta mécréance
Tu le créés il te créé vous êtes inséparables
Tu ne le sais pas tu ne veux pas le savoir
Tu la cherches et tu as peur de la lumière
Laisse voler en toi l’oiseau au bec tranchant
Ouvre lui la cage de ta poitrine
Le voilà qui va disparaître à l’horizon
La cicatrice sur ton corps: son héritage
Si la rose est consciente de son parfum
Même le néant ressentira son éclat
Tu regarderas ton univers d’un œil neuf
Ton frère le frêne te protégera
Le cri du geai ne déchire plus le ciel
Le chant du loriot t’habite désormais
Respirer simplement respirer et c’est tout
La mer le ciel effacent leur frontière
Le goéland ne sait plus où donner de l’aile
Maintenant n’attendre rien espérer tout
Si la rose est consciente de sa beauté
Les vents solaires caresseront la Ténèbre
Impénétrable corps secret de l’univers
Noire énergie créatrice des lumières
Sous les apparences un monde terrible et beau
Grouille, fourmille palpite dans son chaos
Qui s’expand au rythme de ses convulsions
Désir d’amour pour ensemencer l’harmonie
Concassé par cette furieuse étreinte
Tu n’es rien tu es tout tu es nous sommes
Si la rose est consciente de son parfum
Fais de tes liens le cordon ombilical
Qui te nourrira dans l’utérus de la mort
Jean-Noël Cuénod
A OUÏR
Merveilleux…
C’est magnifique ! Une fois encore, tu m’emmènes dans des sphères insoupçonnées !