Avec masques, sans masque, les humains étouffent comme des pâquerettes dans l’herbe touffue. Sous le genou du pouvoir. Etranglés par les mensonges. Asphyxiés par leur propre cupidité. En entrant dans l’état de poésie, on ne quitte pas le monde, on le transforme. Pour le meilleur, en filtrant le pire. A lire et à ouïr, la 11e série des Tankas[1] covidiens.
A LIRE
Au bord du trottoir
Craignant un coup de pied
Un mégot médite
Porteur d’un acte magique
L’empreinte du rouge à lèvre
Les fenêtres pleurent
Sous les coups de la pluie
Printemps nerfs à vif
Soleil pacificateur
Larmes par le vent léchées
Le gazon du square
Grimace son rire jaune
Tout vient trop tôt
Précoce agaçant soleil
Sol craquelé morcelé
Le son des talons
Marteau aux jambes légères
Qui cloue mon cerveau
Les bras en croix sur mon lit
J’attends la fin du supplice
Terreur enfantine
La vieille armoire a craqué
Sursaut du passé
Linge au parfum de lavande
Le cauchemar est dissous
Sur un bout de bois
Angoisse de la fourmi
Des autres séparée
L’éclair de la solitude
Sans pitié la foudroie
Une main sans âge
Âme oublieuse du corps
Soulève le rideau
Brèche ouverte sur les ombres
Nous voilà bien avancés
Imbibé de boue
Jeté par une main ivre
Masque dans la flaque
Lambeau de fête qui traîne
Bout de tissu qui frémit
Dans l’herbe touffue
Etouffent les pâquerettes
Soleil seule issue
La banalité est belle
Quand elle compte fleurette
Rêve de paillettes
Dans le crottin de cheval
Route pavée d’or
De tout faire son miel
Rire comme un alchimiste
Sornettes d’alarme
Les mensonges prennent masques
Nos crânes trémulent
En quel sein vouer ses saints ?
En quel bocal s’agiter ?
Faire table rose
Pour que la paix se déploie
Sur le monde brun
Parfum des espoirs fanés
Mais à la pulpe encor vive
Jean-Noël Cuénod
[1] Métrique poétique d’origine japonaise, ancêtre du haïku, composée de trois vers de 5-7-5 pieds puis, très légèrement séparés, de deux vers de 7 pieds. Les nombres sont tout sauf anodins. Tenez-vous le pour dit !
A OUÏR