Déconfinement décontracté en France, en Suisse et ailleurs en Europe. Et même très décontracté dans ce lieu qui n’est déjà plus la France mais pas encore la Suisse, soit Genève. Si nos corps se déconfinent, notre tête ne reste-t-elle pas confinée dans l’incertitude devenue affection chronique ? Nous n’avons pas fini de sonder l’insondable, Sa Majesté Covid XIX.
Les vrais souverains ne se laissent pas circonvenir, ni déchiffrer. La reine n’est pas encore nue. En attendant qu’elle se dé-robe, sonnez à la porte de la poésie, elle vous ouvrira, peut-être : 15e suite des Tankas[1] covidiens.
A LIRE
Je suis aux confins
Confiné déconfiné
Que fais-je ? Rien
Tout au fin bout de moi-même
Surgit un autre chemin
Ligne d’horizon
Sur le ciel d’aube trace
La nuit bascule
Elle rejoint les mystères
Ourdis par l’outre-montagne
Trottoir arrosé
Misérable ruisseau
Eau sale et blafarde
Toutes colères s’écoulent
Dans la bouche des égouts
Un rideau frémit
L’été ouvre sa chemise
Rue à fleur de peau
La belle cycliste ondule
Mollets qui dansent en cadence
Bière embuée
La soif terrasse la faim
Gorge épanouie
La fraîcheur est un empire
Noblesse de la fontaine
Le feu d’une cloche
Embrase les cœurs battants
Et bronze les âmes frêles
Il faut si peu pour prier
Il faut si peu pour mourir
Iris et roseaux
Voluptueuses limites
Entre sol et eau
Couleuvres en contrebande
Frontière chamboulée
Ondes des parfums
Sur les fougères vibrantes
Forêt à l’écoute
S’élève le chant des arbres
Cantique fauve et fécond
Sur mon front brûlant
Ta main réveille l’oiseau
Sans nom et sans nid
Il vole dans tout mon corps
Et chante avec ma fièvre
Jean-Noël Cuénod
A OUÏR
[1] Métrique poétique d’origine japonaise, ancêtre du haïku, composée de trois vers de 5-7-5 pieds puis, très légèrement séparés, de deux vers de 7 pieds.