La tuerie antisémite commise à la Synagogue Tree of Live (Arbre de Vie) à Pittsburgh par Robert Bowers démontre bien qu’entre les nouvelles formes de fascisme – nommées par paresse et frilosité « populismes »– et les anciennes il n’y a qu’un pas qui peut être vite franchi (cf. notre précédent texte « Faux populisme et vrais fascismes »).
L’auteur du massacre est un utilisateur régulier du réseau social Gab.ai qui est le Twitter de la fachosphère. Juste avant de partir pour tuer le plus de Juifs qu’il le pouvait, Bowers a posté sur ce site un message contre HIAS, organisme juif d’entraide avec les réfugiés : « HIAS aime amener des envahisseurs pour tuer les nôtres. Je ne peux pas rester assis et voir les miens se faire massacrer, j’y vais. »
Sur place, selon ce que rapportent les reporters locaux, il a crié juste avant de faire feu: « Tous les Juifs doivent mourir ». Et sur sa page Internet, figurait en en-tête : « Les Juifs sont les enfants de Satan ».
On croyait que le vieil antisémitisme d’origine occidentale s’était éteint, qu’il avait perdu toute sa virulence depuis la Shoah, comme l’avait formulé l’écrivain français Georges Bernanos déclarant en 1944 à propos du mot « antisémitisme » qu’« Hitler l’avait déshonoré à jamais ». Désormais, le venin antisémite n’était secrété que par les milieux musulmans, en premier lieu par le Hamas et la mollarchie iranienne.
Force est de constater que l’antisémitisme occidental n’a rien perdu de sa nocivité. Et que l’on ne clame pas, façon Trump, que l’acte de Robert Bowers ne relève que de la folie.
Cet Américain blanc de 46 ans était équipé d’un fusil d’assaut et d’au moins trois armes de poing lors de son massacre à la Synagogue « Tree of Live ». Or, selon CNN, il disposait d’un permis délivré par les autorités compétentes pour détenir son arsenal meurtrier. L’aurait-il obtenu s’il avait eu des antécédents psychiatriques ? En outre, son acte n’a pas été déclenché par une impulsion soudaine. Bowers a bien préparé son attaque et a choisi pour tuer le moment où se trouvaient le plus de fidèles dans l’enceinte du lieu de prière.
De plus, Bowers n’est pas un acteur isolé de l’antisémitisme yankee. Un petit tour sur les réseaux sociaux de la fachosphère démontre que ce genre d’opinions empeste la Toile de façon invasive. Non, Bowers n’est pas un loup solitaire ! Pas plus que ne l’était le djihadiste Mohamed Merah qui, à Toulouse, avait tué des enfants et des adultes uniquement parce qu’ils étaient Juifs. Les deux antisémitismes peuvent d’ailleurs, un sale jour, se rejoindre.
Dans ce monde plongé dans l’angoisse par l’hypercapitalisme financier, les uns se sentent comme les éternels spoliés de l’Occident colonialiste et accusent Israël d’en être la tête de pont ; les autres se voient menacés dans leur statut social par cette nouvelle donne capitaliste et désignent, comme jadis, les « banquiers juifs ». Impurs fantasmes dans un cas comme dans l’autre. Mais les fantasmes sont souvent plus puissants que les démonstrations logiques. Il convient donc de les désamorcer en rappelant systématiquement les catastrophes que les fascismes ont semé. Sans en excepter le stalinisme qui, lui aussi, s’est complu dans l’antisémitisme, notamment en forgeant de toutes pièces le prétendu « Complot des Blouses blanches » au début des années 1950. Mais si le stalinisme est pour l’instant en sommeil, les autres fascismes, eux, sont bien éveillés.
Nous verrons plus tard, les autres pistes pour ne pas perdre pied dans cette vague néo-fasciste.
(A suivre)
Jean-Noël Cuénod