Nuit Debout, insomnie sociale Paris-Nontron

NDMardi12avril

Comme tout le monde ou presque, Le Plouc a passé une Nuit Debout, place de la République. Mais il ne s’attendait pas, trois jours plus tard, à rencontrer un tentacule de ce mouvement à… Nontron, bourg de 3200 âmes et sous-préfecture de la Dordogne. Le désir d’instaurer une « autre politique » paraît aussi vif de Paris jusqu’au fin fond du Périgord vert.

A Paris, durant la nuit de mardi 12 à mercredi 13 avril, le mouvement Nuit Debout occupe, comme tous les soirs une moitié de la place de la République. Les stands des commissions ont déjà déployé bâches, banderoles, pancartes. Des commissions, il y a en pour tous les goûts, de la Commission Banlieue à la Commission Climat qui s’occupe aussi de collecter les déchets laissés sur la place. Tri écologique, cela va de soi.

Celle du service d’ordre s’est parée d’un titre plus fleuri et moins baston : « Accueil-sérénité ». L’infirmerie improvisée est ouverte. « Radio et TV Debout » commencent leurs émissions transcrites sur les réseaux sociaux. Un « artisan poète » installe son vélo magique décoré d’une multitude de bibelots et d’un système complexe de petites fontaines. Entre délires poétiques et harangue anarchiste, l’artisan fait dans le décousu main ou plutôt le décousu bouche. Ce qui lui va bien, d’ailleurs. Et qui plaît à la cohorte de ses auditeurs souvent attentifs et interactifs, même si certains se sont mis sur orbite en tournant autour de leur canette de bière.

Bref, l’inorganisation est bien organisée. Cela rappellera aux vieux chnocks, genre Le Plouc, un incertain mois de mai. Vous aurez, en cliquant sur ce lien, tout le détail de la nuit de mardi (voir aussi la vidéo sous le texte)

Les mecs tiennent le crachoir, ça vous étonne ?

Le lieu central est destiné aux assemblées générales. Le temps est limité, pas plus de trois minutes pour chaque orateur qui s’est inscrit préalablement. Comme d’habitude, le crachoir est monopolisé par les mecs. Un collectif féministe a noté que durant cette nuit de mardi à mercredi, 70% du temps de parole a été utilisé par des hommes. Les filles, si vous ne prenez pas la parole, ce ne sont pas les porteurs de slip kangourou qui vous la donneront !

Dans ce flot de mots, toutes les colères s’expriment. Un petit patron prend la parole pour expliquer comment l’administration l’a empêché de développer son entreprise sociale vouée à l’apprentissage de la conduite d’engins de chantier à des jeunes descolarisés. Un SDF crie son désespoir : « Ecoutez-nous, puisque personne veut nous voir ! ». Un Brésilien plaide, en portugais, la cause de Dilma Roussef. Un membre de la Commission de liaison avec les travailleurs annonce un 1er-Mai très chaud à Paris.

Un intervenant met en lumière l’une des raisons du succès de ces Nuits Debout : « Les gens sont heureux d’être ensemble ! » Dans une société médiamercantile qui cherche à isoler toujours plus les individus pour éviter qu’il ne fasse peuple, ce bonheur de partager quelque chose « en vrai » n’est surtout pas à négliger.

Expulsion de Finkielkraut : stalinisme et mauvaise foi

Samedi 16 avril, des jeunes communistes se sont vantés d’avoir « jeté » de la place de la République Alain Finkielkraut accusé d’être un « sale réac ». La filiation bolcho-autoritaire reste vivace. Comme d’habitude, qu’ils soient chenus ou boutonneux, les staliniens ont versé dans l’ornière sectaire. Pour les défendre, des sympathisants du mouvement soulignent que Jean-Luc Mélenchon, lui aussi, avait été expulsé de Nuit Debout. Tout d’abord, il était tout aussi sectaire d’expulser l’homme politique que d’avoir fait de même avec l’homme de lettres. Ensuite, dans le cas de Mélenchon, il s’agissait d’empêcher un dirigeant politique de détourner le mouvement à son profit alors que l’académicien ne demandait rien d’autre que de dialoguer.

Toutefois, les politiciens de droite qui profitent de cet incident pour flinguer le mouvement sont d’une insigne mauvaise foi. Durant les six heures où Le Plouc est resté à Nuit Debout, les assemblées générales se sont déroulée dans un climat plutôt serein et la circulation de la parole s’est accomplie assez harmonieusement, ce qui n’est pas si fréquent en France.

Hollandophobie en Périgord Vert de rage

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Changement radical de décors, samedi matin. A place de la République, a succédé celle du marché à Nontron. Entre deux étals de fruits et légumes, quelques jeunes et moins jeunes font groupe sous une pancarte « Nuit Debout à Nontron ».

Une Nuit Debout, dans cette petite sous-préfecture périgordine ? Fière réponse collective : « Oui m’sieur. Et hier soir, nous étions 150 devant la mairie, malgré une pluie battante », soit 4,6% de la population nontronnaise. Pas mal, en effet.

Ces nuitdeboutistes du Périgord militent souvent dans des mouvements associatifs de défense de la nature. Ils se montrent très attachés à la préservation du terroir. Un projet de circuit automobile vers Ribérac leur fait monter les tours. « Un projet avait été abandonné au lieu-dit Bagatelle. Et voilà qu’ils remettent ça ! »

Des paysans les regardent mi-goguenards, mi-solidaires. En milieu rural, la cote de François Hollande est tellement basse qu’elle atteint les terres australes. C’est même une haine carabinée qui l’accable : « On ne peut plus le voir, c’est simple ! » Tout ce qu’il dit, songe, projette, pense, fait ou ne fait pas énerve. Même quant il se tait, il agace. Le monde rural est abandonné à ses mornes plaines et la réforme des régions a encore accentué ce sentiment. « Tout est plus loin maintenant pour faire nos démarches administratives. On n’y comprend plus rien. On est assommé de taxes et les aides nous passent sous le nez ! » Si Nuit Debout emmouscaille le gouvernement, alors vive Nuit Debout !

Avant de quitter les nuideboutistes de Nontron, Le Plouc demande à l’un des militants, ce qu’il pense du mouvement « occupy Wall Street » et du succès de Bernie Sanders à la primaire démocrate aux Etats-Unis. « Heu, c’est quoi, c’est qui Sanders ? Moi vous savez, je ne veux pas perdre du temps à m’informer sur ce qui se passe ailleurs. » Et d’où vient-il, cet ermite de 20 ans ? De la région parisienne !

Jean-Noël Cuénod

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