Netanyahou: exemple de la faiblesse des forts

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Manif en Israël le 12 août dernier contre la réforme judiciaire voulue par le gouvernement Netanyahou ©Jack Guez_AFP via Politis

Etes-vous tentés de voter pour l’extrême-droite dans vos pays européens? Confrontés aux désordres, aux bouleversements qui nous dépassent, la tentation est grande de partager ses obsessions de sécurité à tout prix. Pourtant, l’exemple du premier ministre israélien Benyamin Netanyahou devrait vous faire réfléchir.

Le chef du Likoud a toujours prôné la méthode forte, ne ménageant ni l’invective, ni l’injure, ni surtout la manipulation. Avec un talent certain puisque depuis 1996, il a été appelé à diriger le gouvernement israélien à six reprises.

A son crédit, l’essor économique d’Israël dans les nouvelles technologies. A son débit, l’accroissement et l’approfondissement des inégalités déchirant le tissu social tramé pendant 50 ans par le socialisme démocratique israélien – et, plus récemment, sa tentative de pulvériser l’Etat de droit par la domestication du pouvoir judiciaire, provoquant la division du pays, la veille de la sanglante agression du Hamas.

Likoud et Hamas unis contre les tentatives de paix

C’est dans le domaine de la sécurité qu’il a surtout axé sa stratégie, dès les années 1990 avec pour corollaire le sabotage des tentatives de paix et de la politique dite « des deux Etats » (palestinien et israélien).

Il partageait ces objectifs avec les islamoterroristes du Hamas qui, de leur côté, s’échinaient à torpiller le Fatah de Yasser Arafat qui avait signé en 1993 les accords d’Oslo avec Yitzak Rabin, alors premier ministre d’Israël. Cette connexité d’intérêts ne troublait nullement le Likoud de Netanyahou. Au contraire. Pour le Hamas, Arafat était un traître. Pour le Likoud, Rabin en était un autre.

Yitzak Rabin « expulsé par le sang »

Sous la direction de Benyamin Netanyahou, alors dans l’opposition, le Likoud a engagé contre Yitzak Rabin – co-signataire des Accords d’Oslo, héros de Tsahal, homme de guerre, puis de paix – des campagnes d’une violence inouïe, monstrueuse même, comme le rappelle le journaliste franco-israélien Charles Enderlin:

« L’actuel Premier ministre de l’État d’Israël, était à la tête des manifestations place de Sion à Jérusalem, où la foule hurlait À mort. Rabin, par le feu, par le sang, nous expulserons Rabin ».

Ce fut donc par le sang, le 4 novembre 1995. L’extrémiste religieux Ygal Amir assassinait Yitzak Rabin de deux balles tirées dans le dos, à bout portant.

Sa veuve avait aussitôt engagé la responsabilité, au moins morale, de Netanyahou dans ce crime. C’est Amir qui a fait feu. Mais le feu qui a explosé dans la tête du tueur, c’est le Likoud qui l’a allumé.

L’alliance du pire

Au fil du temps, Netanyahou s’est allié pour gouverner avec les pires formations de l’extrême-droite religieuse qui font du racisme leur fond de commerce et de la haine, le substrat de leur idéologie.

Grâce à son action et à celle du Hamas, la solution dite « à deux Etats » paraît plus éloignée que jamais et toutes les tentatives de paix sont tuées dans l’œufs.

Assurer la sécurité à tout prix, tel est le leitmotiv du premier ministre conforme à la doxa de l’extrême-droite, non seulement en Israël, mais aussi en France, en Suisse, ailleurs.

Netanyahou affirme sa volonté d’annexer la Cisjordanie et avance dans cette direction à coups d’implantations de colonies. Il a récemment tablé sur les amorces de rapprochement de l’Arabie Saoudite, le Maroc et d’autres Etats arabes avec Israël pour leur faire accepter cette future annexion. Il est vrai que les puissances musulmanes ne se soucient des Palestiniens que pour les manipuler à leur guise…

Netanyahou se pose-t-il la question d’un Israël tellement vaste que la population juive deviendrait minoritaire? D’une situation d’apartheid avec toutes les violences qu’elle induit automatiquement? D’un état de guerre chronique qui risque d’épuiser les forces de son propre peuple ainsi que la patience de l’allié états-uniens?

Impossible de répondre, bien sûr. On peut simplement constater que le gouvernement extrémiste israélien, tout à son aveuglement sécuritaire, fait comme si ces questions n’existaient pas.

Sourd et aveugle avant le 7 octobre

C’est sous ce gouvernement – qui a fait de la sécurité son obsession – que le plus grand massacre d’Israéliens a été commis le 7 octobre dernier sur le sol national.

Les islamoterroristes du Hamas ont pu tranquillement préparer leurs tueries alors que Netanyahou ne regardait que vers la Cisjordanie.

Bien entendu, il a d’abord prétendu, avant de s’excuser, q ue ses services de renseignements ne l’avaient pas averti.

Le prédécesseur de Netanyahou, Yaïr Lapid, a fait litière de ces dénégations dans un touitte sur X:

 À la veille de Yom Kippour, le 20 septembre, jai publié un avertissement inhabituel contre une violente flambée de violences sur plusieurs scènes. Les documents de renseignement sur lesquels je me suis appuyé ont également été soumis à Netanyahou. Ceux qui ont apporté les renseignements sont les mêmes membres du système de sécurité que Netanyahou accuse désormais de ne pas avoir averti.

L’obsession du taureau dans l’arène

Cette incapacité à prendre en compte la réalité est l’un des principaux signes du comportement extrémiste et de sa pensée monomaniaque: en réduisant son intelligence à une focale de plus en plus mince, l’extrémiste ne discerne plus rien en dehors d’elle.

Il est le taureau tellement obnubilé par la cape rouge du torero qu’il ne voit pas l’épée pointée sur lui.

Une politique « insécuritaire »!

Aujourd’hui, les extrémistes du Hamas veulent chasser les juifs d’Israël et les extrémistes israéliens cherchent à en faire autant avec les populations arabes de Palestine. Ni les uns ni les autres n’atteindront leur but. Mais entretemps que de morts, de tueries, de haines devenues héréditaires!

Israël doit assumer sa défense et assurer sa sécurité, c’est une évidence. Mais en étant obsédés par l’une et par l’autre, ses gouvernants ont porté atteinte, et à l’une et à l’autre.

Pour nous tous, une leçon se dégage de ce magma. En donnant le pouvoir à l’extrême droite pour des motifs sécuritaires, on risque bien d’être plongé dans l’insécurité majeure.

Après tout, lorsqu’Israël a gagné ses deux principales guerres, celles de 1948 et de 1967, c’était la gauche qui tenait les manettes…

L’ennui avec les hommes forts, c’est leur faiblesse.

Jean-Noël Cuénod

3 réflexions sur « Netanyahou: exemple de la faiblesse des forts »

  1. Tellement vrai. Bravo ! Bibi est un imbécile qui mérite une carte de membre honoraire de l’UDC.
    D’autre part, je ne puis que m’maginer le sourire narquois de certains leaders arabes, que je ne citerais pas, mais qui prient pour que le HAMAS soit bien anéanti par Israël.
    Le « retiens-moi ou je fait un malheur » du « Torquemada » du Hezbollah donne à réfléchir.

  2. Merci, ça fait du bien une démarche de pensée plutôt que le défouloir comme seule ligne de conduite. Je vous lis avec attention.

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