Depuis septembre, l’Australie est ravagée par des incendies à la chaîne. Son premier ministre libéral Scott Morrison est devenu l’exemple-type du gouvernant incapable de comprendre les défis du dérèglement climatique. Face à l’incurie des dirigeants, les forces politiques pro-nature cherchent ou vont chercher à prendre le pouvoir. Pour le meilleur ou pour le pire.A l’image de ses « camarades » Trump et Bolsonaro, Morrison faisait fanfare de son climatosceptisme en clamant en octobre, un mois après le début des sinistres australiens : « Ces feux de brousse n’ont rien à voir avec le réchauffement climatique», alors même que les scientifiques de son pays démontraient l’inverse à l’instar de la professeure et climatologue Nerilie Abram, de l’Autralian National University de Canberra dans un article paru le 31 décembre dans la revue The American Scientist (disponible ici : https://blogs.scientificamerican.com/observations/australias-angry-summer-this-is-what-climate-change-looks-like/?utm_medium=social&utm_content=organic&utm_source=twitter&utm_campaign=SciAm_&sf227304190=1). L’un des rescapés que Morrison voulait saluer a résumé l’avis général à propos du Bolsonatrump australien : «You’re idiot!» (voir la vidéo ci-dessous).
Le dieu charbonnier
Que la surface équivalente à celle de l’Irlande soit réduite en cendres, que 25 personnes aient péri dans les flammes, de même qu’un milliard d’animaux, cela n’entame pas la politique énergétique incarnée par le gouvernement libéral australien, à savoir le soutien inconditionnel à l’industrie la plus polluante de toutes : le charbon. Fin décembre dernier, Morrison le martelait devant les caméras de Channel 9 : « Nous n’allons pas nous engager dans des objectifs irresponsables, destructeurs d’emplois et nuisibles à l’économie. » Il faut croire que cette catastrophe – qui est encore loin d’être achevée – ne nuit en rien à l’économie !
Des Scott Morrison, il y en a plein parmi les dirigeants de cette planète. Certains encore plus caricaturaux, d’autres plus malins. Mais frappés de cratopathie[1], englués dans les intérêts particuliers dont ils sont porteurs, tous démontrent leur incapacité foncière à comprendre les enjeux de ce bouleversement climatique qui affectera tous les secteurs de la vie collective.
Un jour ou l’autre, leur incurie deviendra vraiment insupportable pour des peuples qui verront leur vie même mise en danger à brève échéance.
Les idéologies écofascistes
Dans cet état d’affolement, les décisions les plus liberticides risquent fort prises. Verra-t-on alors les foules se précipiter dans les bras des écofascistes ? Depuis plusieurs années, des réseaux de l’ultradroite la plus radicale fourbissent leurs armes idéologiques. Le plus connu d’entre ces idéologues de l’extrême droite écologiste est l’écrivain finlandais Pentti Linkola. Pourfendeur de la liberté individuelle et de son corollaire, la démocratie, Linkola est obsédé par la surpopulation, source selon lui, de tous les maux écologiques. Le journaliste américain Michael Moynihan résume ainsi les positions de Pentti Linkola:
« La solution réaliste à ce problème serait la mise en place d’un régime éco-fasciste dans lequel des bataillons intransigeants de « policiers verts » seraient capables de faire tout le nécessaire, leurs membres ayant libéré leurs consciences de l’endormissement humaniste ». On peut se faire une idée de celles de cet idéologue de l’écofascisme en lisant ce document (disponible ici : http://www.penttilinkola.com/pentti_linkola/ecofascism_writings/humanflood/francais/ )
Ne serait-ce que divagations d’agités du bocal ? C’est oublier que les œuvres de Pentti Linkola sont des succès de librairie et qu’elles influencent de nombreux milieux d’extrême-droite dans le monde anglo-saxon. Ainsi, le terroriste Néozélandais Brenton Tarrant – avant de commettre son attentat dans des mosquées de Christchurch (51 morts, 49 blessés, le 15 mars 2019) – avait-il diffusé sur la chaine d’extrême-droite 8chan un manifeste de 74 pages, qui cite, notamment, Renaud Camus, et s’inspire surtout des œuvres de Pentti Linkola, comme le démontre cet extrait dudit manifeste :
« Je me considère comme un écofasciste. [L’immigration et le réchauffement climatique] sont deux faces du même problème. L’environnement est détruit par la surpopulation, et nous, les Européens, sommes les seuls qui ne contribuent pas à la surpopulation. (…) Il faut tuer les envahisseurs, tuer la surpopulation, et ainsi sauver l’environnement » (cité par Le Monde du 4 octobre 2019 ).
La réponse social-écologiste
Dès lors, pour prendre de vitesse les écofascistes, il devient urgent que s’organise en force politique, la social-écologie. A renaître sur les ruines de la social-démocratie. En prenant appui sur les points forts de cette idéologie aujourd’hui dépassée : développement de la démocratie à tous les niveaux et des services publics et régulation de l’économie. En mettant au point la transition vers un mode de vie collectif axé sur la préservation de l’environnement. Et en abandonnant les points devenus faibles de la social-démocratie, à commencer par ses illusions dangereuses d’un progrès humain indissociable du progrès technique et d’une croissance économique et technologique à tout prix qui résoudrait demain tous les problèmes qu’elle cause aujourd’hui.
Entre ces deux visions, nous avons encore le choix. Mais pour combien de temps ?
Jean-Noël Cuénod
[1] Maladie du pouvoir. Pour paraphraser La Fontaine et ses « Animaux malades de la peste » : « Ils ne meurent pas tous, mais tous sont frappés »
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