Iran-Trump : une hystérie à 176 morts. Et plus ?

iran-trump-missile-ukraine-airlinesA première vue, l’hystérisation imposée par Trump dans son conflit avec l’Iran a réussi. Surtout, après les aveux du gouvernement de Téhéran: c’est bien un tir accidentel de la défense anti-aérienne iranienne qui a frappé un Boeing de la compagnie Ukraine International Airlines causant la mort de 176 personnes. L’ennui avec cette stratégie du fou, c’est qu’elle est incontrôlable par définition.

En ordonnant l’assassinat d’une personnalité essentielle dans les rouages du régime des Mollahs, le général Qassem Soleimani, le président américain a marqué plusieurs points. Tout d’abord sur le terrain qui l’obnubile : sa réélection au mois de novembre prochain. Il renforce son image d’homme fort et déterminé qui ne s’encombre d’aucune considération morale pour frapper quiconque ferait de l’ombre au pouvoir américain. Son électorat exulte. En outre, il fait oublier la pénible séquence de sa procédure d’impeachment et place ses adversaires démocrates en mauvaise posture : ils peuvent difficilement reprocher à Trump d’avoir supprimé l’un des adversaires les plus résolus des Etats-Unis ; d’autant plus qu’il restait une source de menaces lourdes au Proche-Orient. Et qui va pleurer en Occident la mort de Soleimani, le chef de la Force Al-Qods des Gardiens de la révolution islamique (Pasdarans), une sorte de Waffen-SS de la dictature cléricale ?

Iran-Trump : la baraka jusqu’à quand ?

Certes, les critiques commençaient à poindre du côté de l’opposition démocrate : L’assassinat de Soleimani risquait de pousser encore plus l’Iran à mettre au point ses armements nucléaires et de souder la population derrière les Mollahs, pourtant en perte de vitesse au sein d’une population qui paie les sanctions économiques au prix fort. Mais décidément, Trump est oint par la Baraka avec le tir accidentel de la DCA des Pasdaran. Parmi les 176 victimes de leur monstrueuse erreur, 82 étaient des ressortissants iraniens. On a vu meilleure propagande intérieure pour un régime. Et aux Etats-Unis, les circonstances de l’assassinat de Soleimani passent désormais au second plan et la procédure d’impeachment sombre dans les profondeurs médiatiques. Pour Trump tout baigne. Dans le sang, certes. Mais l’important reste l’échéance électorale.

La stratégie du fou et de l’hystérisation des rapports géopolitiques incarnées par Dingo Tweet a connu des fortunes diverses. En Corée du Nord, elle s’est finalement retournée contre le président américain qui s’est fait duper par Kim Jong-Un : le tyranneau de Pyongyang n’a jamais renoncé à l’armement nucléaire et a réussi à faire venir Trump à la frontière entre les deux Corée pour une photo qui montre le petit dictateur faire symboliquement jeu égal avec la première puissance du globe.

Avec l’Iran, en revanche, notre Donald mondial semble avoir eu le tweet plus heureux, du moins pour le moment. Cela dit, si sa stratégie déstabilise ses adversaires, elle en fait de même avec ses alliés, son pays et même son propre commandement militaire qui, visiblement, ne sait pas où son chef veut les conduire.

Certes, le président américain pousse ses provocations au maximum sans pour autant provoquer une guerre, ce qui réduirait à néant ses promesses électorales de faire « revenir les boys à la maison ». Toutefois, il a créé une ambiance d’angoisse larvée et de paranoïa généralisée propre à provoquer l’affolement et les prises de décisions sous le coup de la peur. Pour ordonner un tir de missile face à ce qu’ils perçoivent, peut-être à tort, comme une menace, les dirigeants politiques et militaires ne disposent que d’un laps de temps très court, avec toutes les fortes probabilités d’erreurs que cela suppose.

Ni Trump ni les Mollahs ne veulent la guerre. Mais comme le démontre la catastrophe de l’avion ukrainien, ils peuvent y succomber par un enchainement d’erreurs et de mauvaises décisions rendu possible par l’hystérisation trumpienne.

L’ennui avec la stratégie du fou, c’est que le fou peut devenir stratège.

Jean-Noël Cuénod

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