L’un a réussi à phagocyter la droite et le centre ; l’autre en a fait de même avec la gauche. En matière de stratégie électorale, Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron écrasent leurs concurrents. Après un début de campagne législative atone, ces deux renards ont décidé maintenant de la dramatiser, histoire de réveiller leurs électorats. Mais les débats sonnent aussi creux qu’auparavant.
Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon présentent d’emblée des points communs : tous deux sont sortis du cheptel du Parti Socialiste, l’un par le portail de droite et l’autre par celui de gauche ; ils ont d’emblée visé un même but, à savoir fracasser le paysage politique français. C’est chose faite depuis 2017. Et ça continue.
Lors de la campagne du premier tour de l’élection présidentielle, les deux renards se sont attaqués au même gibier : Marine Le Pen. Pour Macron, il s’agissait de peindre un duo diabolique sur la muraille : « Votez pour moi afin d’éviter un second tour Le Pen-Mélenchon ». En jouant fortissimo contre l’une et piano contre l’autre afin de ne pas trop braquer les électeurs de gauche en vue du second tour.
Pour Mélenchon, il s’agissait d’évincer Le Pen en se posant en principal opposant au président sortant. La tactique a échoué mais de peu. Et ce peu, le « lider » de La France Insoumise et de la NUPES (Nouvelle Union Populaire Ecologique et Sociale) l’a bien fait mousser, notamment en imposant la perspective d’un troisième tour avec sa personne comme futur premier ministre.
Nupistes galvanisés
Le slogan « Mélenchon, chef du gouvernement de cohabitation » se révèle fort utile aux deux goupils. Il a galvanisé les troupes nupistes en détrônant Marine le Pen du rôle de principale opposante qu’elle avait conquis grâce à sa présence au second tour de la présidentielle mais qu’elle n’a pas su conserver préférant depuis faire profil bas. Il est vrai qu’elle n’est jamais aussi éloquente que lorsqu’elle se tait. De plus, on ne peut pas dire que son Rassemblement National regorge de brillants sujets capables de faire d’excellents députés.
La perspective « Mélenchon à Matignon » convient tout à fait au président-candidat, Mélenchon succédant à Marine Le Pen comme épouvantail à électeurs. L’Insoumis en chef en rajoute d’ailleurs sur le caractère épouvantails à bourgeois, notamment en promettant de taxer les hauts revenus (lire ici) ce qui peut effrayer même l’électeur aux revenus pas si haut que cela !
Ainsi, il solidifie son socle de gauche, socle qui reste fragile compte tenu du caractère hétéroclite de la NUPES. Rien de tel qu’une mobilisation sur des propositions radicales pour créer la dynamique dans son camp.
Les renards dans le poulailler hexagonal
Cette radicalité, Emmanuel Macron ne manque pas d’en faire contre-argument pour capter l’électorat modéré et de centre-droit, siphonnant en passant encore plus de voix à la droite LR.
Jean-Luc Mélenchon n’espère sans doute pas engranger les 289 électeurs requis pour obtenir la majorité absolue à l’Assemblée nationale, seule possibilité pour lui de devenir un très hypothétique premier ministre. En revanche, sa stratégie peut lui permettre de conforter sa place de principal opposant et de rendre irréversible son OPA sur la gauche française.
De son côté, Emmanuel Macron va tenter d’obtenir la majorité absolue avec les quatre partis qui le soutiennent sous la bannière Ensemble. Ce qui n’est pas gagné d’avance, loin de là. Mais en brandissant le chiffon rouge de Mélenchon, il compte bien persuader l’électorat de toute la droite non-lepéniste, dont LR, de le rejoindre.
Quant aux débats sur les véritables enjeux, entre autres la transition énergétique, le pouvoir d’achat et la guerre en Ukraine, ils ne parviennent pas à trouver leur place dans l’espace médiatique saturé par les rhétoriques de l’épouvantail.
Les deux renards n’ont pas fini de plumer la volaille électorale dans le poulailler hexagonal.
Jean-Noël Cuénod