Macron: La France en plein vertige du vide

post-retraite-macron-france-cent-jours

Toujours se méfier du 99ème jour des Cent-Jours… (Napoléon à Waterloo; source National Geografic)

Le discours télévisé du président Macron, lundi dernier, relevait d’une forme réactualisée du théâtre de l’absurde. Comme un magicien s’acharnant à répéter des formules qui ne fonctionnent plus. En quête d’homme providentiel, les médias agitent l’entrée en politique du syndicaliste Laurent Berger qui dit « non » pour l’instant.

Ainsi, Emmanuel Macron « entend la colère » des Français qui a eu comme départ de feu la retraite à 64 ans. Mais il se refuse toujours à l’écouter. Même le tintamarre des casseroles – nouvelle forme de protestation populaire – ne l’a pas tiré de cette sorte de rêve éveillé dans les brumes duquel le président français semble se mouvoir sans s’émouvoir.

« Waterloo, morne plaine… »

Ainsi a-t-il ressorti les sempiternels projets nimbés d’enfumage: « Un nouveau pacte de la vie au travail »; « améliorer les revenus des salariés »; « combattre l’usure professionnelle » ; « d’ici l’été » « la planification écologique » s’extirpera de sa chrysalide. Et le tout sera bouclé en cent jours. Espérons pour la France que ces Cent-Jours n’aboutiront pas à Waterloo…

Au fil de ses interventions publiques, le président de la République continue donc d’annoncer des chantiers qui peinent à s’ouvrir (le Covid n’explique pas tout). Ce qui n’arrange pas le moral de ses administrés. Lundi, il a paru ne plus croire à ses propres mantras.

Avant son allocution, un sondage Elabe diffusé par la chaîne BFMTV indiquait que près de 7 Français sur 10 se montraient toujours opposés à la réforme des retraites, même après sa promulgation, et que 45% d’entre eux souhaitaient une protestation encore plus musclée! En outre,  90% des personnes interrogées pensaient que le discours de Macron n’apaiserait pas les tensions.

Réactions d’apparence paradoxale

Dans ces conditions, on aurait pu tabler sur une faible audience de son discours télévisé. Eh bien pas du tout! 15,1 millions de Français l’ont suivi, soit à peine moins que la précédente allocution sous ce même format en juin 2022 (15,5 millions) après les élections législatives.

Ces réactions d’apparence paradoxale traduisent l’appétence d’une grande partie des Français pour la politique, au sens « organisation de la cité », tout en exprimant leur frustration vis-à-vis d’un pouvoir sur lequel ils n’ont guère de prise. D’où ce vertige du vide qui donne le tournis à la France d’aujourd’hui.

C’est long, quatre ans!

Le président Macron ne convainc plus et reste étanche à son propre peuple. Et dire que cette situation va durer quatre ans! Ce qui ne sera pas sans effet négatif sur la place de la France en Europe et dans le monde.

En temps normal, les citoyens se tourneraient vers une autre offre politique. Mais voilà, la France ne vit pas un « temps normal ».

Lors de sa première élection en 2017, Macron avait pulvérisé le paysage politique qui ne s’est toujours pas reconstitué.

La Guggenmusik de Mélenchon

La gauche est phagocytée par Mélenchon et sa France Insoumise dont le comportement infantile a excédé jusqu’aux syndicats, lors de l’examen de la réforme des retraites à l’Assemblée nationale.

Ce qui reste des écologistes et des socialistes tente de faire entendre sa partition mais elle est vite couverte par la Guggenmusik (1) mélenchonienne.

La seule partie de l’alternative qui prend de l’ampleur est représentée par Marine Le Pen qui engrange les gains en popularité. Tous les sondages la donnent gagnante à l’élection présidentielle de 2027. C’est encore loin et nombre d’événements risquent de bouleverser cette donne.

En outre, la candidate du Rassemblement national a présenté de graves lacunes en matière d’économie, ce qui inquiète même celles et ceux qui seraient prêtes à voter en sa faveur « puisqu’à part elle, on a tout essayé ».

Les médias à la recherche du bon Berger

C’est alors que le bon Berger vient pointer à l’horizon des médias toujours en quête de candidats crédibles pour l’ère post-Macron, l’actuel président ne pouvant pas briguer un nouveau mandat.

Annoncerait-il la bonne nouvelle?

Secrétaire général de la CFDT, première centrale syndicale de France, Laurent Berger est l’une des personnalités les plus populaires de son pays. Figure de proue de l’intersyndicale, c’est lui qui a donné le ton à la campagne contre la réforme des retraites en mettant à mal les arguments de Macron et de son gouvernement.

Sa stratégie pèse d’autant plus qu’elle émane d’une centrale syndicale plus prompte à conclure des compromis qu’à adopter des postures protestataires.

Le calendrier faisant bien les choses, Laurent Berger a annoncé mercredi dans une interview accordée au Monde qu’il allait quitter ses fonctions à la tête de la CFDT le 21 juin prochain, laissant sa place à Marylise Léon, son adjointe.

C’est où « jusqu’au bout »?

Au cours de cette interview et lors de précédentes interventions médiatiques, Laurent Berger s’est empressé d’affirmer qu’il n’allait pas se lancer dans la politique électorale, y compris la présidentielle de 2027. Il s’énerve d’ailleurs quelque peu lorsque les journalistes lui reposent cette question:

Je ne sais plus comment il faut le dire. Je ne mengagerai pas en politique. Est-ce que je continuerai à faire de la politique, cest-à-dire participer à la vie de la cité ? Oui. Si certains croient que je vais me taire, cest une erreur. Je poursuivrai ma vie de militant, je mengagerai encore – pour la justice sociale, la transition écologique et les droits humains. Je vais rester un militant européen et un militant pour la démocratie. Je me battrai jusquau bout pour éviter le drame de lextrême droite. Mais je ne ferai pas de politique, au sens où on lentend trop souvent.

Donc, il ne faudrait pas compter sur lui pour dissiper le « vertige du vide ». Cela dit, d’aucuns tentent de distinguer une lueur d’espoir dans ses propos: Je me battrai jusquau bout pour éviter le drame de lextrême droite.

C’est où jusqu’au bout? Jusqu’à céder à l’amicale pression des orphelins de la sociale-démocratie française en entant dans l’arène électorale?

De toute façon, personnalité providentielle ou non, la crise démocratique qui s’est ouverte atteint une telle profondeur que la France ne peut plus faire l’économie d’une remise à plat totale de ses institutions.

Et ce chantier-là, il risque de s’ouvrir tout seul à l’occasion d’une des crises majeures qui ont bouleversé ce pays au cours de sa riche histoire.

Jean-Noël Cuénod

(1) Fanfare burlesque et costumée  formée le plus souvent de cuivres bien sonores et de percussions très percutantes. En vogue dans les cantons suisses alémaniques et les régions limitrophes.

3 réflexions sur « Macron: La France en plein vertige du vide »

  1. J’espère que la conclusion de ton papier se réalisera.
    Quand le « système » est mauvais, il faut le changer; dans le cas particulier il est très mauvais. Il s’adaptait à une certaine stature, la stature a disparu depuis bien longtemps mais on a conservé l’enveloppe, inadaptée aux hommes et au temps.
    Reste à savoir si le système successeur sera meilleur ?
    Y-a t’il eu une bonne République depuis Napoléon III ?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *