La claque que toute l’Ukraine rêvait d’infliger à Poutine après plusieurs mois de déception du côté de Kyiv! Depuis le 6 août, ses troupes continuent d’avancer dans l’oblast (région) russe de Koursk. Et ses soldats de filmer le remplacement du drapeau russe par celui de l’Ukraine sur des bâtiments publics. Mais pour le Kremlin, Koursk véhicule une double portée symbolique, encore plus douloureuse.
Cette offensive ukrainienne a surpris totalement Poutine et son état-major ce qui montre, soit que ses services de renseignements sont à la ramasse, soit que le Kremlin et les Grosses Casquettes ne les ont pas écoutés.
Ce ne serait d’ailleurs pas la première fois qu’un dirigeant russe rejette les rapports de ses espions. Ceux de Staline lui avaient révélé l’existence de l’opération Barbarossa avant que l’Allemagne nazie ne lance sa Wehrmacht contre l’URSS. Mais le « Petit Père des Peuples » avait flanqué ces précieux tuyaux à la déchiqueteuse.
Pourquoi? Parce que l’info contrariait une réalité désagréable, à savoir que l’Armée Rouge n’était pas prête à entrer en guerre, son état-major ayant été décimé par les purges du tyran durant le printemps 1937.
121.000 Russes évacués
Selon Le Grand Continent, l’armée de Volodymyr Zelensky continue d’avancer dans la région de Koursk. Le média cite le réseau indépendant d’échanges de sources ouvertes OSINT qui estime que les troupes ukrainiennes s’étendent sur 650 kilomètres carrés (1.000 kilomètres carrés d’après le président Zelensky).
D’après les autorités russes, 121 000 habitants de la région auraient fuit devant les avancées de l’armée ukrainienne. Et avec la prise de Soudja, l’Ukraine contrôle maintenant l’un des derniers points de transit du gaz russe vers l’Europe.
Les conséquences militaires de cette claque restent à mesurer. La Russie dégarnira-t-elle son front en Ukraine pour contenir l’assaut ukrainien? Pour l’instant, Poutine continue de bombarder massivement le territoire de son ennemi quitte à endommager la centrale nucléaire de Zaporijjia, sans gravité pour l’instant.
La grande bataille des chars d’assaut
Dans la mémoire russe, l’oblast et la ville de Koursk tient une place particulière. C’est là que l’Armée Rouge et la Wehrmacht se sont affrontées, du 5 juillet au 23 août 1943 dans la plus grande bataille de chars d’assaut de l’Histoire.
Une confrontation de cette ampleur relève de la partie d’échec de haute intensité. Finalement, Staline a pu l’emporter car il bénéficiait toujours d’un coup d’avance sur le Führer dans le positionnement des chars.
Petit aparté. En France, on ignore que cette bataille décisive a été gagnée, en grande partie, à… Genève! C’est en effet de cette ville suisse que le réseau Rado a transmis les indications relatives à la tactique allemande à Koursk(1).
Basé à Genève, sous la couverture d’un office de cartographie, l’espion du GRU (Renseignement militaire soviétique) Alexandre Rado gérait avec le Bureau H– officine dépendant du renseignement militaire suisse – une source directe au sein de l’état-major personnel de Hitler.
Le rouleau compresseur démarre à Koursk
A partir de cette défaite face à l’Armée Rouge à Koursk, l’Allemagne nazie, déjà battue à Stalingrad, n’a plus pu reprendre son offensive.
Parti de Koursk, le rouleau compresseur soviétique ne s’arrêtera qu’à Berlin.
Que Zelensky emporte une bataille dans l’oblast, 81 ans, jour pour jour, après l’homérique combat de chars d’assaut, ce serait pour Poutine un affront majeur. N’a-t-il pas placé son agression contre l’Ukraine sous le signe mémoriel de la Grande Guerre Patriotique de l’URSS?
Le naufrage du sous-marin nucléaire Koursk-141
Koursk rappelle aussi l’un des épisodes les plus sinistres de l’histoire de la marine russe. C’est le nom – Koursk 141 – donné au fleuron des sous-marins nucléaires du Kremlin qui a sombré en mer de Barents le 12 août 2000. Les médias avaient suivi les neuf jours de tentative de sauvetage.
Les 118 membres de l’équipage ont tous péri. 23 d’entre eux avaient survécu à l’explosion interne de deux torpilles mais les secours furent incapables de les sauver, le gouvernement russe n’ayant accepté que trop tardivement de recourir à l’aide étrangère.
Ce naufrage avait démontré l’état de faiblesse de la marine russe alors que le tout neuf président Poutine voulait faire de sa flotte la figure de proue de sa politique agressive.
Le récit poutinien parasité
Voilà donc le récit poutinien parasité: Koursk est le symbole de la victoire décisive sur l’Allemagne mais c’est son ennemi Zelenski qui, aujourd’hui, conduit l’offensive dans cet oblast. Et le sous-marin Koursk avive le souvenir de l’une des pires humiliations subies par le Kremlin.
Koursk sera-t-il revêtu d’un troisième sceau de feu et de sang dans l’histoire tourmentée des empires russes?
Jean-Noël Cuénod
1 On lira avec profit « Genève appelle Moscou » du journaliste Drago Arsenijevic paru aux Editions Robert Laffont.
Encore un excellent article avec un rappel historique fort à propos. Quand j’étais gosse, j’ai entendu parler de la bataille de chars à Koursk sans savoir où c’était exactement.