Public enchanté pour film enchanteur, dimanche à la salle Alcide-Dusolier au Château de Beaurecueil-Forge de la poésie. En présentant dimanche Goodbye Petruchka son premier long-métrage, la jeune réalisatrice étasunienne Nicola Rose (34 ans) a donné à voir un film à la trame tendre discrètement faufilée de cruauté.
Comment cette « espoir » du cinéma s’est-elle posée au Périgord Vert? Par la grâce des réseaux la « Maison du Goupillou G748 » tenue par Arnaud Galy et Nelly Vranceanu et située à un jet de flèche du Château de Beaurecueil. Cette maison est consacrée aux résidences d’auteurs et d’écrivains.
De nombreux spectateurs ont donc sauté sur l’occasion de voir un film tout chaud sorti du four et de discuter en direct avec sa réalisatrice.
Et ils n’ont pas été déçus du voyage offert par ce film frais comme un bonbon à la menthe, friandise qu’une main grand-maternelle vous glissait dans la menotte à l’abri du regard des parents soucieux de la santé bucco-dentaire de leur progéniture.
L’Albatros du patinage
Goodbye Petruchka (en version originale sous-titrée en français) évoque et confronte deux destins. Claire, jeune marionnettiste, qui va vivre son premier amour avec tout ce que cela suppose de tourments, allers-retours des sentiments, petites trahisons et grands chagrins que dissipent les éclats de rire. Et Thibaud, étoile du patinage artistique, qui vient de raccrocher ses lames au vestiaire. Après avoir vécu des années à l’abri de sa bulle de sportif professionnel, le voilà aussi emprunté dans la vie quotidienne que l’Albatros du poème de Baudelaire.
D’autres personnages entrent dans la danse comme les insupportables mères de famille de la bourgeoisie parisienne qui emploient Claire comme jeune fille au pair et la traitent avec le mépris des parvenues du Ve arrondissement, leur progéniture perverse et surexcitée, les employées de réception revêches et absurdes dont les multiples visages sont joués par une seule actrice. Surtout, ne pas oublier la meilleure amie de Claire, une pétulante hypocondriaque, très encombrante mais dont la folie est parfois traversée de sagesse.
Emploi maîtrisé des marionnettes et de l’animation
Claire fourmille de projets dont un spectacle sur glace. La jeune fille tente de convaincre Thibaud d’y participer. Retrouver les patins au risque de faire ce match de trop que redoutent les boxeurs? Lâcher la banque qui l’emploie et sa petite amie, aussi ennuyeuse et stable l’une que l’autre? Ne divulgâchons rien par d’intempestives réponses.
L’une des réussites de Goodbye Petruchka tient dans deux éléments bien maîtrisés: d’une part, l’habile utilisation des marionnettes (Nicola Rose fut marionnettiste professionnelle) comme prolongement de la personnalité de Claire; d’autre part, l’emploi des dessins animés qui interviennent dès qu’il s’agit d’illustrer les sentiments intérieurs des protagonistes.
Certes, le scénario mériterait d’être resserré au milieu de l’intrigue où l’on sent une légère baisse de tempo dans la narration. Toutefois, ces défauts de jeunesse ne sauraient occulter la performance de la réalisatrice qui nous a donné une oeuvre émouvante et drôle; bref un film qui nous a fait du bien.
Jean-Noël Cuénod
BANDE-ANNONCE DU FILM