Le Plouc a bravé les éléments déchaînés pour suivre, dimanche à Paris, la manif du dernier carré des partisans de Fillon. Qui sont toujours fâchés avec les chiffres. Les organisateurs annoncent la présence de 200 000, voire 500 000 personnes pour une place du Trocadéro qui ne peut en contenir que 45 000. Ambiance très défilé contre le mariage gay. Mais en beaucoup plus petit. François Fillon a rétréci la Manif Pour Tous.
Parmi la foule qui sort de la station Passy pour se rendre au Trocadéro, un manifestant explique à sa femme : « Ces salopard de la Météo annoncent grêle, vent, pluie pour empêcher les gens de venir. Ah vraiment, tout ça me dégoute. C’est un complot ! Tu m’entends ? Un-com-plot ! »
Il veut rire le monsieur, non ? Non ! Il est tout ce qu’il y a de plus sérieux, le monsieur. Et il n’a rien d’un Néandertalien au crâne rasé. Avec sa soixantaine manucurée, ses lunettes Dior, sa casquette plate en velours côtelé, sa veste de chasse Barbour, ses pantalons pour sortie à Fontainebleau et ses souliers de marche « Vieux Campeur », il est le symbole du Bonobo, ce Bourgeois-Non-Bohème qui peuple les XVe et XVIe arrondissements de Paris et les beaux quartiers des métropoles françaises.
Pour qu’une personne de son style et de son rang en vienne à proférer de tels délires, cela démontre à quel point, les ultimes soutiens de François Fillon ont perdu tout bon sens et sont prêts à soutenir l’insoutenable.
Le climat général de la démonstration filloniste correspond à celui qui régnait dans les défilés de la Manif Pour Tous. Même Bonobos d’un âge certain, voire très certain, jeunes cathos en loden et mocassins à glands ou jupes plissées et serre-tête, parents de familles nombreuses encombrés de poussettes « design ». A un détail près, il y a, ce dimanche, beaucoup moins de monde que lors des cortèges contre le mariage gay.
L’organisateur du rassemblement de soutien à Fillon, Pierre Danon, estimait qu’il fallait 45 000 personnes pour remplir la place du Trocadéro. Or, si le centre était plein, les abords étaient loin de l’être. (voir photos). Selon l’IPP (Institut Pifométrique Personnel), il y avait entre 30 000 et 40 000 personnes, à tout casser. Ce qui est honorable mais loin des 200 000 personnes réunies par Sarkozy au même endroit en 2012. A cette occasion, les participants avaient débordé très largement sur toutes les avenues avoisinantes. Ce n’était pas du tout le cas avec le meeting de Fillon.
Les organisateurs se sont efforcés de réchauffer l’atmosphère, refroidie par les rafales de pluie et de grésil (le complot de Météo France continue !) en faisant huer François Hollande et les islamoterroristes. Mais ceux-ci étaient nettement moins accablés par la foule que le président honni !
Les « chapeaux à plumes » de la droite étaient, eux, bien à l’abri sur l’estrade couverte. On reconnaissait, notamment, François Baroin, présenté comme un Plan B au cas où Fillon se désisterait. Le baiser de la mort ? Lorsque François Fillon se place à son pupitre pour haranguer la foule, celle-ci se réveille, agite ses drapeaux tricolores. Place au Chef-qui-est-encore-Chef. Fillon, comme à son habitude, s’excuse du bout des lèvres:
« Même si toute cette charge contre moi est injuste, révoltante et instrumentalisée, je vous dois des excuses, celles de devoir défendre mon honneur et celui de mon épouse alors que l’essentiel, c’est de défendre mon pays. »
Fillon s’adresse aux dirigeants de son parti
Mais c’est aussitôt pour démontrer à quel point sa précieuse personne est indispensable à la sauvegarde de la France. Conscient que dès lundi à 18 h., les membres du Bureau politique de son parti Les Républicains se réunissent pour savoir s’ils continuent à soutenir sa candidature à la présidentielle, Fillon s’adresse à eux : « Laisserez-vous les intérêts de factions et de carrière et les arrière-pensées de tous ordres l’emporter sur la grandeur et la cohérence d’un projet adopté par plus de quatre millions d’électeurs ? » Et il réserve une manière de menace voilée aux figures de son parti qui se sont retirés de sa campagne :
« On m’attaque de toute part et je dois vous écouter, écouter cette foule qui me pousse vers l’avant. Je dois aussi m’interroger sur ceux qui doutent et fuient le navire, leur responsabilité est immense, et la mienne aussi. »
Pénélope Fillon est venue rejoindre son mari sous les vivats. Après la « Marseillaise », tout le monde s’en va au moment même où le soleil revient. Météo France aura exécuté son infâme complot jusqu’au bout !
Jean-Noël Cuénod