Double nationalité et monomanie blochérienne

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(Photomontage Jean-Noël Cuénod)

« Paris vaut bien une messe » disait Henri IV en abjurant la foi protestante pour devenir Roi de France. « Berne vaut bien le dépôt d’un passeport français » semble se dire Pierre Maudet[1], l’un des candidats du Parti libéral-radical au Conseil fédéral (gouvernement). Pour désamorcer la ridicule polémique engagée par l’extrême-droite blochérienne (UDC) qui lui reproche sa double nationalité franco-suisse, il s’est déclaré prêt à déposer son passeport français.Rappelons l’argument-matraque avancé par la section genevoise de l’UDC : s’il était élu au gouvernement fédéral, Pierre Maudet pourrait devenir «un mercenaire français»[2]. On peut fort bien servir les intérêts d’un pays tiers sans en posséder la nationalité. D’ailleurs, les merce­naires suisses au service de la France n’étaient pas… Français ! La servilité n’est pas affaire de passeport mais de mentalité. Et rien dans le parcours politique de Pierre Maudet ne permet aux blochériens d’évoquer une quelconque tendance au mercenariat.

Le Suisse James Fazy nommé préfet français 

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James Fazy, grande figure politique suisse et agitateur en France.

Quelques petits rappels historiques s’imposent dans ce contexte. Le fondateur de la Genève moderne, James Fazy, a tenu un rôle important dans la politique française, lors de la Révolution de 1830. Il a notamment collaboré à la rédaction des ordonnances sur la liberté de la presse auprès de Thiers. Cet éminent genevois avait même été nommé préfet de l’Isère, poste qu’il refusa pour se consacrer en toute indépendance au journalisme politique à Paris. Après son retour dans sa Genève natale, il est devenu l’une des grandes figures de l’Histoire suisse. Peut-on soutenir une microseconde qu’il fut un « mercenaire français »?

Le Suisse Louis-Napoléon Bonaparte, empereur des Français

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Caricature du futur empereur hésitant entre la France et la Suisse

Dans l’autre sens, son passeport à croix-blanche et son grade de capitaine artilleur de l’armée suisse n’ont pas empêché le Thurgovien Louis-Napoléon Bonaparte, devenu Napoléon III, de régner sur la France pendant 22 ans.

Une fois de plus, l’extrême droite cherche à engager de faux débats en s’attaquant à son adversaire, non pas sur le terrain de sa politique, mais en lui faisant un procès d’intention sur la seule base de sa double nationalité. Lorsqu’on lui désigne la lune, le blochérien ne regarde que le doigt ; pour jauger la politique d’un candidat, il se concentre sur ses papiers d’identité. Les blochériens ont coulé sur la politique suisse une chape d’obscurantisme qu’il devient urgent de détruire, non seulement pour éviter l’asphyxie intellectuelle mais aussi pour renouer avec le véritable esprit helvétique fait d’ouverture, de pondération et de générosité.

Jean-Noël Cuénod

[1] A l’intention des non-Suisses : Pierre Maudet est conseiller d’Etat (ministre au niveau cantonal) de la République et canton de Genève. Avec d’autres candidats de son Parti libéral-radical, il brigue un poste laissé vacant au gouvernement fédéral. Le président de la Confédération en est l’un des membres. Il change chaque année.

[2] A noter que l’UDC ne veut pas non plus de la candidate libérale-radicale vaudoise Jacqueline de Quattro qui possède la double nationalité suisse et italienne.

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