Pourquoi les conservateurs étatsuniens les plus pudibonds continuent-ils à soutenir Donald Trump? Mieux ou pis: plus le candidat ripoublicain se vautre dans la fange, plus ses soutiens gavés de moraline sont galvanisés, engrangeant dollars et soutiens pour sa cause. Il y a bien une clef à ce mystère, non?
Pourtant, ces évangéliques, tout frémissant d’horreur devant un manuel d’éducation sexuelle, n’hésitaient pas jadis à vouer aux flammes de l’enfer les politiciens coupables de flirter avec une Madame qui n’était pas la leur.
Bill Clinton et Gary Hart
Bien parti pour conquérir la Maison Blanche, Gary Hart fut contraint de jeter l’éponge (1) en 1987 pour cause d’adultère.
N’oublions pas le tintamarre médiatique provoqué par l’alors président Clinton qui avait dû confesser un usage « inappropriate » d’un cigare sur la personne d’une stagiaire.
En d’autres pays, la chose aurait fait rire ou suscité une vague d’intérêts pour l’industrie cigarière. Pas aux States de cette époque. Bill Clinton dut essuyer la colère des « pères de famille indignés au nom de plusieurs » (2) et autres Mères-la-pudeur. Cette fumisterie d’un genre particulier avait complètement pourri sa fin de présidence.
Or, Donald Trump a commis bien pires turpitudes comme cette tartarinade destinée à éblouir ses interlocuteurs: « Les femmes vous pouvez les attraper par la chatte! » Elle avait faire le tour des réseaux sociaux et s’ajoutait à la kyrielle d’accusations d’agressions sexuelles et de propos publics d’ordre (ou de désordre) sexiste.
42% des femmes avaient voté Trump
Cela n’a nullement empêché le Libidineux à Moumoute Jaune d’être élu président en 2016. Les analyses de ce vote ont même démontré que 42% des femmes avaient voté pour lui!
Actuellement, c’est une autre affaire sordide qui est en train d’être jugée à New-York. Donald Trump – qui plaide non-coupable – est accusé d’avoir versé 130 000 dollars à une actrice porno afin qu’elle garde le silence sur leur relation sexuelle. Il lui est reproché d’avoir falsifié des pièces comptables afin de faire passer cette somme comme frais de campagne lors de la présidentielle de 2016.
La seule accusation d’avoir perpétré cette magouille aurait dû valoir à Trump d’être aussitôt désavoué et rejeté par les républicains conservateurs, honteux de présenter un tel candidat. Surtout que ses chances d’être élus auraient été réduites à néant.
Bienfaitrices casseroles
Mais Donald-la-Menace peut tout se permettre, surtout l’immonde. Loin de le freiner dans sa course, les casseroles – plutôt la batterie de cuisine – qu’il traîne dans son sillage le propulsent en tête des sondages.
Alors que ce passe-t-il dans la tête des conservateurs, des évangéliques et autres empêchés du déduit ou coincés de la braguette (ça peut faire mal!)?
Pour ce faire, il convient de faire un peu de psychologie tendance café du commerce puisque c’est à ce niveau que le trumpisme trompette.
Tout d’abord, selon l’heureuse formule de Blaise Pascal, « qui veut faire l’ange, fait la bête ». Nous l’avons toutes et tous constaté un jour ou l’autre dans nos entourages, les défenseurs les plus acharnés de l’orthodoxie des mœurs abritent souvent une âme noire, voire boueuse faite de fantasmes aussi inavouables qu’inassouvis.
Trump ose tout et c’est à ça qu’il est reconnu
Or, Trump ose tout ce qu’ils se sont interdits leur vie durant. Chaque fois qu’il fait dans l’immonde, ces frustrés se sentent vengés.
Pourtant, jadis, ils retournaient leur frustration contre l’auteur de la transgression. Plus grande était leur privation, plus fulminantes apparaissaient leurs imprécations contre le fautif.
Ce qui a changé? Hasardons cette hypothèse. Lorsque Gary Hart et Bill Clinton ont été surpris dans les jardins du péché, ils ont aussitôt battu leur coulpe, l’œil humide et la voix chevrotante, implorant le pardon à Dieu, à leur épouse, aux électeurs, au Parti, au drapeau, à la terre entière, voire à leur chien ou à leur chat (rien de tel qu’une photo d’animal pour solliciter la clémence médiatique).
Un principe: ne jamais s’excuser
Donald Trump, lui, ne s’excuse jamais. Au contraire, il en rajoute une grosse louche bien grasse. C’est là sa force.
Au fond, ce que les tartufes ne pardonnaient pas à Gary Hart ou Bill Clinton, c’était plus leurs excuses que leur péché. En demandant pardon, ils les ont frustrés de l’expression même de leur frustration.
Avec Trump, tout est permis: les mains baladeuses, la drague agressive, le propos sexiste mais aussi le racisme sans entrave, la haine grandiloquente et même la prise du Capitole.
Si d’aventure Moumoute Jaune présentait ses excuses, toute sa démarche s’effondrerait. En ne demandant pas pardon, il avalise le fait que toutes les turpitudes sont devenues légitimes.
Donald Trump est donc poussé par les bigots à en faire toujours plus dans l’ignoble. Constat désolant, avec juste un quinquet clignotant tout au fond de ces ténèbres: l’humain se lasse de tout, même de l’abjection.
Il reste à savoir si cette lassitude interviendra avant ou après le scrutin du 5 novembre.
Jean-Noël Cuénod
1 Oui je sais, amis boxeurs, on ne jette pas l’éponge mais la serviette. Avouez que « jeter la serviette », cela n’a pas le même effet rhétorique.
2 Coup de chapeau à Jack Rollan, polémiste suisse romand de talent très injustement oublié.
Merci de vos réflexions, cela fait du bien. Je n’ai pas pu aller cette année au château en fête. C’est dans ce cadre que je vous ai connu, vous et votre compagne. Peut-être que ce sera possible l’année prochaine.
Avec toute mon attention,
Françoise Laporte (de Périgueux)