Texte à lire et à ouïr. Vous le prenez ou le rejetez, surtout, vous en faites ce que vous voulez. L’air du temps est orageux. Protégez-vous en évitant les arbres qui attirent la foudre.
A LIRE
Mais qu’est-ce que je fais sur cette route? Comme si j’étais tombé du ciel, précipité sur l’asphalte en même temps que la pluie. L’horizon n’est qu’une suite de nuages gras et gris. Gris comme ce maigre soleil fatigué à force de vouloir percer les nuées.
Alentour, des vaches paissent en faisant mentir leur cliché: elles broutent avec frénésie les rares zones encore herbeuses, signe avant-coureur de luttes fratricides.
Mais qu’est-ce que je fais sur cette route? Eh bien je marche, voyez-vous! Que voulez-vous que je fasse d’autre sur une route, hein? Je marche sans autre but que de marcher, sans autre cap que cet horizon empoissé de nuages.
Je ne crains pas d’être aplati par une voiture aveugle. Il n’y a plus âme qui roule. Il règne un silence à en faire exploser les tympans. Nulle musique si ce n’est celle de mon cœur qui bat. Qui bat encore. Au moins ne suis-je pas mort. Pas encore.
Mais qu’est-ce que je fais sur cette route? J’ai le vertige maintenant. Plutôt, c’est le vertige qui me possède. Petit cyclone, je deviens. Tourbillon de poussière qui chemine en zigzag comme s’il était ivre. Ivre de quoi? De vins mauvais? D’espoirs déçus? De stupéfiants tristes? Vertige sans ivresse.
Mais qu’est-ce que je fais sur cette route? A gauche, à droite, en haut, en bas, aucune issue. Appeler au secours? C’est épuiser en vain les faibles forces qui restent. Il n’y a plus d’oreilles en ce bas monde, que des bouches qui gobent. Plus d’âmes qui vaillent, que des intérêts qui comptent.
Au fur et à mesure que j’éprouve l’impression de marcher, mes pas s’engluent dans l’asphalte de plus en plus pétroboueuse. Au fin bout de ma vision, des grappes humaines bâtissent des murs comme si leur vie en dépendait. Frénésie de fourmis qu’un coup de pied a réveillées.
La route maintenant m’a absorbé comme si j’étais aspiré par des sables émouvants. Il n’y a plus que ma tête qui reste en surface. Pour le moment. Avant de me dissoudre jusqu’à faire corps avec la route. Je jette au ciel un dernier regard. Distinguez-vous ce que j’y vois?
Jean-Noël Cuénod
A OUÏR
Ouah ! Surprenant !
Un petit air de fin d’un monde !
Un air d’actualité.
Je m’y suis identifiée dans l’immédiat.
Merci, cher Jean-Noël pour ce beau partage.
Celui qui ne sait pas d’où il vient ne peut savoir où il va car il ne sait pas où il est. En ce sens, le passé est la rampe de lancement vers l’avenir (Otto Von Bismarck )
Nous l’avons modifié et mieux exprimé à Massot . Mais l’esprit reste le même. JiMi