Cette année, l’Ascension tombe avec le dernier jour des Saints de Glace (Saint Servais), ce moment tant attendu par celles et ceux qui travaillent la terre. Cette Ascension 2021 amorcerait-elle un mouvement opposé vers une descente solaire pour tirer les semences de leurs torpeurs encore hivernales ? Tout signe positif est bon à prendre. Ne faisons pas la fine bouche à l’air des grises mines.
40 jours après Pâques, le Christ quitte ses disciples pour s’élever vers les cieux et disparaître aux yeux du corps pour mieux apparaître aux yeux du cœur. Pendant quarante jours, le Christ a vécu dans un entre-deux, présent certes mais plus de la même façon qu’avant sa crucifixion. Entre vie et trépas, il prépare ceux qui seront ses apôtres à poursuivre sans lui le cours de la vie terrestre. Cette « quarantaine » représente un sas vers un « ailleurs » radical.
Présence du nombre 40
Le nombre 40 figure à 98 reprises dans la Bible, tant au Premier qu’au Nouveau Testament. A l’évidence, sa présence ne doit rien au hasard ; elle est dûment balisée. A chaque fois, 40 représente un temps de mise à l’épreuve et de transmutations.
Durant 40 jours, Moïse rencontre Dieu au sommet du Mont-Sinaï pour y recevoir ses commandements. Pendant 40 ans, le peuple hébreu va cheminer dans le désert avant de fouler le sol de la Terre Promise. Pour que la création reparte sur de nouvelles bases, elle a dû subir le Déluge pendant 40 jours et 40 nuits.
Jésus Christ a jeûné pendant 40 jours dans le désert où il fut tenté par Satan. Et c’est à l’issue de cette épreuve qu’il a commencé son ministère qui s’étendra sur 40 mois. Et il existe bien d’autres exemples qui mettent en lumière l’importance de ce nombre (On peut en lire la liste sur ce site).
Pourquoi cette prééminence ?
Pourquoi cette prééminence du nombre 40 ? La Bible vibrionne de symboles qui ouvrent des portes sur d’autres significations que celles apportées par la lecture superficielle. Le langage symbolique permet de dire plus et de façon plus subtile en usant du raisonnement par associations d’idées.
Pour ce faire, il est des techniques proposées par des penseurs nourris de traditions ésotériques souvent héritées des gnostiques au début du christianisme : les alchimistes médiévaux, cette confrérie apparue à la Renaissance et appelée « Rose-Croix », des penseurs illuministes du XVIIIe siècle comme Martinès de Pasqually et ses deux adeptes les plus connus, Louis-Claude de Saint-Martin, le « Philosophe Inconnu », et Jean-Baptiste Willermoz, fondateur d’un système maçonnique encore en activité de nos jours, le Rite (Régime) Ecossais Rectifié.
Le nombre caché de la Puissance divine
Parmi ces techniques figure l’arithmosophie qui décortique chaque nombre pour en tirer un enseignement. Par exemple, si l’on additionne tous les nombres figurant au sein du 4 (1+2+3+4), on obtient 10, soit le nombre de la Puissance divine (l’unité-1 associée à l’infini- 0). Le 4 est donc « le nombre caché » du 10.
En utilisant aussi souvent le nombre 40, la Bible nous conduirait-elle à découvrir la Puissance divine cachée au cœur des périodes, souvent douloureuses, de passage d’un état à un autre ?
D’aucuns trouveront vaine cette recherche symbolique. D’autres y tireront des signes qui leur donneront le courage de poursuivre la route.
Quarantaine covidienne
Le Covid 19 a remis au dégoût du jour le terme de « quarantaine ». Cette pratique, qui consiste à isoler pendant 40 jours les victimes de maladies infectieuses pour qu’elles ne portent pas plus loin leurs germes, remonte aux épidémies de peste au Moyen-Age. Pourquoi 40 ? Selon certains historiens, les médecins de l’époque se fondaient sur Hippocrate qui affirmait que la phase aiguë d’une maladie durait 40 jours au maximum. Mais les symboles religieux étant vécus intensément par tous les médiévaux, cette période devait également se référer au Carême, cette période de jeûne et d’abstinence qui, pendant 40 jours, prépare la célébration de Pâques.
Certes, les périodes d’isolement prescrites aux malades atteint du Covid-19 et aux « cas-contact » ne durent pas 40 jours, mais de 7 à 10, voire 14. Toutefois, le terme quarantaine est resté comme s’il fallait doubler cette mesure d’ordre médical par un rappel à la pénitence !
Or, le Christ, qui s’est élevé dans une autre dimension que celle de notre espace-temps, n’est pas venu annoncer la pénitence mais célébrer le triomphe de la vie sur la mort. L’Ascension vient parfaire ce message en offrant en guise de viatique le nombre 40. Elle est aussi l’invitation à prendre de l’altitude, lieu où la vue est dégagée, où s’est éteint le brouhaha des plaines encovidées.
Jean-Noël Cuénod