Agriculteurs en colère: Et à la fin, c’est l’agrobusiness qui gagne!

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Marché-manif en faveur de l’agriculture bio, lundi, à Trélissac près de Périgueux. ©JNC_Beaurecueil-Forge de la Poésie

Retrait du plan Ecophyto en France, le Pacte Vert de l’Union Européenne va le suivre dans cette retraite en rase-campagne. Les pouvoirs politiques à Paris et à Bruxelles se couchent devant l’agro-capitalisme et l’industrie chimique, le seul vrai gagnant de cette crise. Mais la question de fond, le revenu paysan, reste embourbée dans l’ornière.

Le principal mérite de ces jours de colère agricole est d’avoir fait tomber les masques aux yeux du grand public. Le monde du travail de la terre aussi est traversé par les luttes de classes (1). Oh, certes la chose est tout sauf nouvelle! Elle a sans doute existé de tout temps.

Néanmoins, la fiction d’une agriculture homogène a été bien entretenue par le syndicats majoritaire FNSEA – étroitement lié à l’agro-business et à la production industrielle – ainsi que par les divers ministres de l’agriculture. Le dernier en date, Marc Fesneau, a tenté lundi dernier d’entretenir le mythe au micro de France-Culture:

Si on commence à opposer les modèles (agricoles), à la fin, tous les modèles perdent. Et c’est ce qui s’est passé depuis des années.

Or, ce n’est pas « on » qui oppose les modèles, c’est tout simplement, un truc qui n’a rien de magique et s’appelle, réalité.

Entre un agro-industriel et un paysan bio, quel fossé!

Quel est le point commun entre le patron de la FNSEA, Arnaud Rousseau – propriétaire de 700 hectares de terre céréalière en Seine-et-Marne, formé à l’European Business School de Paris et président d’Avril Gestion (huiles Lesieur et Puget, œufs Matines, entre autres) – et mes voisins dans le Périgord Vert qui s’échinent à produire bio, sans pesticide, sans intrant toxique, sur des exploitations aux dimensions familiales et qui sont très loin d’être payés en fonction de leurs efforts? Aucun. Sinon celui de faire partie de l’espèce humaine!

A l’évidence, les intérêts de ces authentiques paysans sont opposés à ceux des agro-capitalistes industriels qui ont partie liée à la finance et à la production chimique phytosanitaire.

Un mythe s’effondre

Le talent de la FNSEA fut donc de faire croire aux gros médias qu’elle représentait l’ensemble des agriculteurs.

Désormais, même la presse parisienne découvre qu’un fossé béant sépare la FNSEA (2) de la Confédération Paysanne – qui défend l’agriculture paysanne (bio mais pas seulement, pour en savoir plus, lire la Charte de l’agriculture paysanne).

Les principaux médias se rendent aussi de plus en plus compte que depuis 50 ans, la FNSEA co-dirige la politique agricole avec le ministère de l’agriculture.

Une gauche, une droite, une extrême-droite?

Toute division sociale se traduit ipso facto par des positionnements politiques comprenant une droite incarnée par la FNSEA (et les Jeunes Agriculteurs), une gauche représentée par la Confédération Paysanne et même une extrême-droite puisqu’un autre syndicat, la Coordination Rurale, est en passe d’être noyauté par le Rassemblement National, à en croire Le Canard Enchaîné du 31 janvier dernier (« Les Fachos sont le pré »).

Trop schématique? Certainement. Les recoupements idéologiques sont beaucoup plus subtils et fluides que cela. On peut avoir le coeur à droite en adhérant aux revendications de la Confédération Paysanne et à gauche, tout en adhérant aux Jeunes Agriculteurs ou à la FNSEA.

Néanmoins, il y a bien combat entre deux conceptions radicalement opposées. D’une part, la FNSEA-JA et la Coordination Rurale défendant l’agriculture productiviste avec le moins de normes antipollution possibles; d’autre part, la Confédération Paysanne (avec souvent le Mouvement de défense des exploitants familiaux-MODEF) s’opposant aux traités de libre-échange agricole et réclamant une loi interdisant tout prix agricole inférieur aux coûts de production.

Logique: la droite politique soutient la droite agricole

Logiquement, la droite politique française et européenne a donné gain de cause à la droite agricole en retirant les normes antipollution.

Tout aussi logiquement, ayant obtenu gain de cause sur les normes, la droite agricole a retiré ses tracteurs des points de blocage alors que le revenu paysan reste aux abonnés absents.

Il est vrai que, vu du sommet des agro-industriels, le revenu paysan ne constitue peut-être pas la préoccupation principale…

Jean-Noël Cuénod

1 Oui, je sais, je ne devrais pas user d’une formule marxiste. Ça ne se fait plus. Mais sans être forcément marxiste, cela n’empêche pas de constater que certains faits restent têtus, comme le disait ce vieux Karl.

2 Pour mémoire, les Jeunes Agriculteurs, autre syndicat, font listes communes avec la FNSEA pour les élections au Collèges des représentants des chefs d’exploitation.

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