Charlie Kirk tué: Trump a-t-il trouvé son incendie du Reichstag?

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L’incendie du Reischstag en 1933. ©Wikimedia Sources

« Tuer un homme, ce n’est pas défendre une doctrine c’est tuer un homme » écrivait au XVIe siècle déjà Sébastien Castellion(1). Même constat concernant l’agitateur d’extrême-droite Charlie Kirk, assassiné le 10 septembre dernier dans l’Utah par un tueur dont les mobiles restent fumeux. Larmes vite séchées, le clan Trump a aussitôt utilisé ce crime pour accélérer sa contre-révolution.

Personne ne mérite donc d’être tué pour ses idées, même les plus viles. Toutefois, présenter Charlie Kirk comme un martyr de la foi chrétienne relève de l’escroquerie morale. La relecture du Nouveau Testament en comparaison avec les propos haineux et racistes de Kirk serait à cet égard particulièrement édifiante, comme l’illustre cet article de The Gardian. On y apprend notamment que le défunt avait commis cette sortie contre Michelle Obama et d’autres femmes noires de renom: « Vous n’avez pas la capacité cérébrale nécessaire pour être vraiment prises au sérieux. »

Le coup de pouce du destin

Depuis sa seconde installation à la Maison Blanche, Donald Trump ne cesse de porter ses coups contre toutes les institutions de la démocratie étatsunienne et l’Etat de droit: justice, science, mœurs, égalité raciale, égalité sexuelle, médias et j’en passe

Mais ça résiste! Pas facile d’abattre une démocratie de ce calibre… Alors, il faut utiliser ces coups de pouce que le destin, parfois, réserve aux candidats à la dictature.

Ainsi, l’incendie du Reichstag à Berlin dans la nuit du 27 au 28 février 1933 a-t-il permis à Hitler de faire passer dans la population les mesures nécessaires à l’instauration de sa tyrannie. De même, l’assassinat le 1er décembre 1934 de Sergueï Kirov – secrétaire général du Parti communiste de Leningrad – a servi de prétexte aux vastes et sanglantes purges de Staline.

Certes, les Etats-Unis de 2025 ne sont ni l’Allemagne de Weimar ni l’Union Soviétique des années 1930. Mais les vieilles recettes peuvent toujours resservir en modifiant, ici ou là, le degré de cuisson ou en apportant de nouvelles épices.

Concours d’hystéries

Dès l’annonce du crime dont Kirk a été victime, la machine MAGA s’est mise en ordre de bataille. Les agitateurs les plus véhéments ont crépité du clavier pour désigner l’ennemi. Non pas l’auteur de l’assassinat, dont on ignore les véritables motivations, mais la gauche. Voici un petit florilège de ces fascistoïdes qui font assaut de propos haineux.

– Le lendemain même de l’assassinat, Time rapporte ce propos du stratège conservateur Joey Mannarino:  « Le Parti démocrate doit être classé comme une organisation terroriste intérieure, et ses membres ainsi que ses dirigeants traités en conséquence. Ça suffit! »

– Le même Time rapporte cette charge, toute en nuance pastel, de l’influenceuse MAGA, la complotiste Laura Loomer: « La gauche est terroriste ». Elle en rajoute une louche de fiel en prétendant que la mort de Kirk ne présage que des assassinats « plus ciblés ». « Cela pourrait être vous, le prochain ». Et d’enfoncer le clou. « Nous devons faire taire ces gauchistes fous. Une bonne fois pour toutes. La gauche est une menace pour la sécurité nationale ».

Et ce ne sont là que quelques exemples.

Criminaliser la seule opposition qui pèse

Pour ces braves gens, la gauche qui est visée, ce ne sont pas quelques groupuscules égarés, mais le Parti démocrate lui-même. Il s’agit donc de criminaliser la seule opposition qui pèse électoralement. Mesure-t-on le danger imminent que le clan Trump fait courir à la démocratie?

L’étape suivante vient d’être engagée. Sous l’impulsion du vice-président J.D. Vance – préposé aux coups tordus – la Maison-Blanche donne le top départ à une vague de répression pour venger la mort de Kirk, comme l’annonce Médiapart. Puisque nous vivons des temps orwelliens, cette répression est menée contre la liberté d’expression au nom de… la liberté d’expression!

Haro sur les républicains modérés!

Même chauves comme Spencer Cox, certains élus républicains en ont les cheveux qui se dressent sur leur tête. Ce gouverneur de l’Utah – Etat où s’est déroulé le crime – relève sur CNN: « Charlie a dit des choses très incendiaires et dans certains coins du Web, c’est tout ce que les gens ont entendu » (propos figurant dans cet article du Monde). Un autre républicain, le sénateur de l’Oklahoma James Lankford a lui aussi tenté d’apaiser les esprits. Sans délai, les réseaux MAGA les ont traînés dans la boue. Trump a mis le Parti républicain sous sa botte; malheur aux vermisseaux qui tentent de s’en extirper!

Le clan Vance-Trump ne manque pas de le souligner à gros traits: les agitateurs de gauche ont aussi recours aux propos haineux, violents et outranciers. En matière d’hystérie idéologique, la mouvance MAGA est reine mais elle n’en détient pas pour autant le monopole.

La contre-révolution étatsunienne en marche

Alors, match nul et balle au centre? Non car une différence de taille sépare les deux clans: c’est MAGA qui dispose de la puissance de feu du gouvernement et non la gauche (et même pas la droite civilisée). Or, Trump ne manque pas d’en user et d’en abuser, voire de s’arroger des pouvoirs extra-constitutionnels.

C’est une véritable contre-révolution que le clan Vance-Trump est en train d’accomplir. Le but: que les prédateurs du technocapitalisme puissent imposer leur ordre sans ces freins démocratiques qui limitent leur appétit de plus en plus féroce.

Pour l’instant, les démocrates, les républicains modérés et la masse des citoyens opposés à Trump semblent ne pas être sortis de leur état de prostration. Mais la contre-révolution initiée par le clan Vance-Trump laboure le champ politique à une telle profondeur qu’elle provoquera ipso facto une opposition de semblable ampleur.

Dans un bureau de New-York, sur un campus en Californie ou au fond d’une forêt du Vermont, des inconnus se préparent peut-être à prendre la relève pour défendre la plus importante démocratie de la planète.

Jean-Noël Cuénod

1 Théologien protestant opposé à Calvin à propos de l’exécution du dissident Michel Servet.

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