Macron joue la droite contre la droite

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En nommant premier ministre Edouard Philippe, le président Macron a choisi le pire des scénarios pour le parti Les Républicains (LR). Même s’ils avaient eu le temps de se préparer depuis plusieurs heures, les chapeaux à plumes de la droite n’ont pu cacher leur embarras. Celui de Bernard Accoyer en est tout ébouriffé.D’un côté, le secrétaire général du parti LR se demande si le nouveau premier ministre va soutenir, aux législatives, les candidats de son parti ou ceux du mouvement présidentiel de la République En Marche (REM). Mais de l’autre, il ne veut surtout pas exclure Edouard Philippe du parti LR.

Avis diamétralement opposé à la déclaration matamoresque de François Baroin, directeur de la campagne du parti LR, qui a promis l’exclusion immédiate – en attendant l’estrapade, le pilori et les mines de sel ­– à tout élu de son parti pris en flagrant délit de flirt avec le mouvement présidentiel REM. Mais si Edouard Philippe, chef du gouvernement nommé par l’ennemi Macron, n’est pas exclu, alors qui le sera ? Le petit candidat de base ? On imagine le barouf.

La droite française est bien enREMerdée.

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D’autant plus que si le président est tout jeune, tout beau, tout lisse, la tambouille politicienne, elle, reste ce qu’elle a toujours été, lourde en sauce. Et les fumets qui se dégagent des cuisines de l’Elysée excitent une fois encore les appétits des politiciens; jeunes ou vieux, ils n’ont jamais manqué d’estomac. Ainsi, le sarkoyste impénitent Gérard Darmanin, maire de Tourcoing, l’un des espoirs LR, s’est empressé de saluer l’arrivée à Matignon de son compagnon de parti et de saluer « la décision du président de la République » qui s’est élevé au-delà des « clivages politiques » (traduction simultanée: merci de me faire une petite place au gouvernement). Et François Baroin de manger son chapeau à plumes tout neuf.

Pour commencer la démolition de la droite, le choix d’Edouard Philippe par le doux tueur aux yeux d’azur est parfait. Avec Alain Juppé, le nouveau chef du gouvernement ne partage pas que la même coupe d’absence de cheveux. Après deux ans passés au Parti socialiste auprès de l’alors premier ministre Michel Rocard, Edouard Philippe – qui a la souplesse nécessaire pour marcher sur les deux trottoirs à la fois ­– a rejoint la droite et participe en 2002 à la création de l’UMP par Alain Juppé. Depuis, il restera fidèlement attaché au maire de Bordeaux. Qui n’a pas manqué de féliciter son « poulain ». Au fond, avec Edouard Philippe, Macron s’est offert un Juppé avec 30 ans de moins. Un Juppé qui n’a jamais été aussi populaire à droite.

Edouard Philippe est également un homme jeune, 46 ans. Le duo qu’il forme avec Emmanuel Macron donne donc un sacré coup de bambou à la classe politique française, jusqu’alors fripée et chenue. Même François Baroin, 51 ans, n’est pas épargné, lui qui semble toujours traîner une vieille fatigue.

Pour l’instant, cette nomination fait l’effet d’une volée de bâton dans la fourmilière de la droite. Les LR courent dans tous les sens. Mais la droite est forte en France. Elle se reformera. Comment ? Les centristes LR vont rejoindre la majorité présidentielle, d’autant plus que c’est l’un des leurs qui va diriger la campagne des législatives, rôle dévolu au premier ministre. Sous la bannière du mouvement macronien REM ou sous celle d’un nouveau parti ? La question reste ouverte.

Privé de ses éléments centristes, ce qui restera du parti LR sera mécaniquement tiré vers la droite par la tendance culs-bénits de Sens Commun, des partisans de Laurent Wauquiez et des fillonistes. Les relations avec le Front national se poseront donc aussitôt. Malgré le score impressionnant qu’il a réalisé (10,6 millions de voix), le Front national est ressorti affaibli de la campagne présidentielle. La désastreuse prestation de sa patronne Marine Le Pen au débat avec Emmanuel Macron continue à laisser des traces. La dirigeante du FN est désormais ouvertement contestée au sein de son parti, situation mortelle pour un chef d’extrême-droite. Dès lors, la droite LR peut en profiter pour vider de sa substance le Front national en se calant sur le catholicisme identitaire et l’immigration et offrir ainsi aux électeurs frontistes une alternative intellectuellement plus crédible que celle présentée par Marine Le Pen.

Mais alors, la droite LR radicale risque à son tour de ne pas sortir de cet enclos extrémiste que le Front national est parvenu à élargir sans en sortir.

Jean-Noël Cuénod

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