
Dessin de l’artiste plasticien ©BTR_Bernard Thomas-Roudeix. Son site vaut son pesant clics: http://www.thomas-roudeix.com
« US go home! » Les plus vieux écraseront peut-être une larmichette en se rappelant ce slogan qu’ils traçaient d’une main plus ou moins habile sur les murs des villes d’Europe. Contre la guerre étatsunienne au Viet-Nam. Contre le modèle de société imposé par l’Oncle Sam. Allez, du balais, les Ricains! Eh bien, plus d’un demi-siècle plus tard, nous y voilà. « US » est vraiment « go home »!
A une grosse différence près, ce ne sont pas les Européens qui ont bouté Washington hors du continent mais les Etat-Unis eux-mêmes qui ont coupé les amarres pour laisser dériver l’Europe hors de son orbite.
Le fol espoir des irréalistes qui quémandaient encore un coin de parapluie étatsunien est définitivement douché par la séquence vécue au début de la semaine.
Pathétique, ce dialogue, avec grandes claques dans le dos, mimé devant les caméras par Donald Trump et Emmanuel Macron à l’issue de leur entrevue à Washington!
Le Français tentait de se raccrocher aux branches en se forçant à croire en l’existence d’un « chemin » commun entre l’Europe et les Etats-Unis. Alors que l’Etatsunien comptait les mouches au plafond de la Maison-Blanche en faisant de visibles efforts pour rester poli. Ce « chemin » tracé par Macron, Trump n’a pas daigné lui lancer un regard.
Au même moment à l’Assemblée générale de l’ONU, les Etats-Unis et la Russie votaient conjointement contre la résolution soutenant l’Ukraine et condamnant l’agression russe déposée par les Européens (résolution finalement adoptée par une majorité de pays membres).
Les Allemands tombent de l’armoire
Même les Allemands – qui faisaient de l’atlantisme l’article principal de leur manuel de survie géopolitique – ont pris conscience que les Etats-Unis ne seront plus nos alliés.
Les déclarations sur les chaînes allemandes du futur Chancelier fédéral Friedrich Merz illustrent l’ampleur du bouleversement:
Je n’aurais jamais pensé dire cela dans une émission de télévision. Mais il est clair que les Américains, ou du moins cette administration, sont indifférents au destin de l’Europe .
Le patron de la CDU conservatrice a même dénoncé en des termes virulents les manœuvres des trumpistes au cours de la campagne électorale qui vient de se terminer:
Les ingérences de Washington ont été aussi scandaleuses et éhontées que celles de Moscou.
C’est dire si les moments que nous vivons actuellement constituent un tournant historique.
Le vertige de la liberté
Nous voilà semblable à un vieux fauve resté longtemps en captivité et que ses gardiens ont décidé de rendre à la vie sauvage.
La tête nous tourne. On regarde en arrière vers nos anciens gardiens pour voir s’ils sont toujours à proximité, prêts à nous secourir. Mais non, plus personne à l’horizon. Il faut avancer sans guide désormais.
Nous marchons d’un pas mal assuré, pris dans la tourmente des sentiments entre ivresse de la liberté et angoisse éperdue d’être laissés à nous-mêmes dans un monde peuplé au mieux d’adversaires et au pire d’ennemis. En tout cas, plus personne ne nous veut du bien. Va falloir aiguiser nos griffes.
Et en premier lieu contre l’Ours moscovite à l’appétit rendu insatiable par la trahison – historique elle aussi – des Etats-Unis.
Les deux victimes de la trahison trumpienne
Trahison qui fait deux victimes, l’OTAN, puisque désormais sa puissance dominante ne veut plus assumer cette position. Mais aussi l’Union Européenne telle qu’elle est configurée actuellement. En effet, Il est difficile d’envisager une défense européenne commune fiable et efficace avec 27 Etats qui ne partagent pas la même vision historique vis-à-vis de la Russie.
L’UE telle qu’elle existe maintenant peut perdurer. Mais il faudrait instituer, à côté d’elle, une Communauté de défense européenne avec les Etats du continent qui sont bien déterminés à défendre notre type de démocratie, en intégrant la Grande-Bretagne, puissance nucléaire, et d’autres pays n’appartement pas à l’Union. On pourrait s’inspirer des « Accords de Schengen » qui comprennent des Etats européens membres de l’UE et d’autres qui, comme la Suisse, ne le sont pas.
En outre, sur le plan militaire, l’Europe n’est pas dépourvue de moyens (lire nos deux précédents blogues ainsi que cet article).
Oncle Picsou a remplacé Oncle Sam
Une certaine nostalgie poussera sans doute sa pointe dans certains cœurs. Après tout, l’Europe était bien contente de recevoir l’aide massive des Etats-Unis après les destructions nazies et heureuse de bénéficier de leur protection face à Staline.
Mais l’Amérique de Donald Trump n’a plus rien à voir avec celle de Franklin Roosevelt. Oncle Picsou a remplacé Oncle Sam!
D’ailleurs, en aidant l’Europe à la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Etats-Unis s’aidaient aussi eux-mêmes en arrêtant la progression du communisme à la Soviétique en Europe et en remettant sur pied des économies qui deviendront rapidement leurs clientes et leurs fournisseuses.
La stratégie de la dinguerie amorale
Que nous apportent les Etats-Unis? Aujourd’hui, plus rien, si ce n’est une masse d’ennuis et une averse de menaces sur nos échanges commerciaux.
Comme le fauve mal préparé à sa nouvelle vie sauvage, nous allons errer ici ou là pour prendre nos marques. Mais pour répondre à la stratégie de la dinguerie amorale initiée par Trump et ses sbires, nous devrons nous adapter très vite à notre nouvelle liberté.
Valeurs et principes
Nous autres Européens avons non seulement des valeurs à promouvoir mais surtout des principes à défendre. Les valeurs, ça vient, ça va, ça monte, ça descend. Les principes se montrent plus solidement établis dans la morale collective, moins érodés par l’air du temps. Nos principes sont fondés sur la raison et non sur l’émotion, fugitive toujours et mortifère parfois. Ils constituent les fondations de l’Etat de droit qui instaure des limites à tous pouvoirs, même s’ils sont démocratiquement établis.
Cet Etat de droit, Trump, Musk et leur clique de prédateurs hypercapitalistes sont en train de le démolir. Toutefois, cela ne se fera pas sans résistance au sein des peuples états-uniens. En devenant enfin libres du modèle – devenu contre-modèle – imposé par les Etats-Unis, nous participerons aussi à cette résistance qui commence à poindre outre-Atlantique.
S’il y a un chemin à prendre, c’est celui de la liberté. Il est tortueux mais l’air y est plus léger.
Jean-Noël Cuénod
Je persiste à croire que seul un ETAT EUROPEEN pourra nous sauver d’une stérilisation suivie de dissection concoctée par l’ Organisation des Anthropophages
Unis.
Un Etat, un gouvernement, un Président tournant, une politique, une économie, une armée, des peuples.