Donald 1er réinvente le capitalisme féodal

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Donald 1er dans toute sa gloire ©Image créée par I’intelligence artificielle générative (leonardo.ai) et conçue par JNC_Beaurecueil-Forge de la Poésie.

A peine son postérieur avait-il écrasé les coussins du fauteuil présidentiel, que Donald Trump s’est attaqué au pire ennemi des candidats à l’autocratie: l’Etat de droit. C’est-à-dire tout ce qui limite sa soif de pouvoir. Pour un professeur étatsunien, ce second mandat représente la pire menace pour les Etats-Unis depuis la Guerre de Sécession.

Rendues aphones par la communication tintamarresque du président-bis, les voix de la raison commencent à élever le son aux Etats-Unis.

La démocratie en péril

Ainsi, un professeur émérite de sciences politiques à l’Université Columbia – Mark Kesselman – sonne-t-il l’alarme sur le site du laboratoire d’idées Telos :

Le second mandat de Donald M. Trump s’annonce dangereux pour les institutions américaines. Le président-élu cherche à saper les éléments fondamentaux du gouvernement créées par la Convention constitutionnelle de 1787. On peut considérer qu’il représente la plus grande menace depuis la guerre civile de 1861-65.

(…) Trump prévoit en effet de restructurer l’architecture institutionnelle du gouvernement en augmentant considérablement le pouvoir du président et en centralisant le contrôle présidentiel sur la branche exécutive, ce qu’il désigne comme l’« Etat profond ». Ce faisant, Trump sera mieux à même de poursuivre un programme dangereux et destructeur.

Le coup de la grâce!

L’un des premiers actes de la seconde présidence Trump a consisté en la grâce de 1270 émeutiers qui furent condamnés pour avoir envahi le Capitole, siège du Congrès à Washington, le 6 janvier 2021. Cette meute désirait ni plus ni moins mettre à bas les institutions démocratiques, Trump ayant été battus par Biden.

Le fait même de les libérer signe la volonté de Donald 1er d’abattre les garde-fous qui protègent les institutions démocratiques dans le but de changer la présidence en oligarchie, réservée à sa clique hyperfriquée.

L’un des condamnés exfiltrés de sa cellule par le gracieux décret de la Maison-Blanche, Jacob Chansley – le crétin à cornes le plus célèbre de la planète – avait aussitôt remercié son « capo » en exultant: « Maintenant, je vais m’acheter plein de putains de fusils » (cf.capture d’écran du twitt).

Les démocrates ont saisi le message: ils sont de plus en plus nombreux à s’armer. Le pays de Donald L’Excité s’apprête à passer de la loi du Far-West à celle de la jungle.

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Guerre à l’information

L’autocrate emperruqué – qui décidément de manque pas de toupets – s’attaque maintenant à la liberté d’information.

Clayton Weimers, directeur du bureau de Reporter Sans Frontières aux Etats-Unis accuse Trump d’avoir restreint « l’accès du public aux informations gouvernementale » durant les deux premières semaines de son second mandat. « Supprimer des pages de sites web gouvernementaux, cacher des données gouvernementales et entraver le travail des journalistes dès son entrée en fonction envoie un signal extrêmement alarmant ».

Voilà qui ne va pas faire progresser les Etats-Unis au classement mondial de la liberté de la presse dressé par Reporter sans Frontières. En 2024, ce pays se traînait à la 55ème place sur 180 (dernier classé: l’Erythrée)

Guerre à la science

Donald 1er poursuit sur sa lancée en s’attaquant à la langue, processus normal pour qui a lu 1984 de George Orwell et l’instauration de la nov’langue comme l’annonce le site Reporterre. La nouvelle administration étatsunienne est en train d’utiliser l’intelligence artificielle pour traquer, dans les travaux scientifiques, les mots relatifs à l’environnement tels que « changement climatique », « émissions de gaz à effet de serre », « justice environnementale ».

Bien entendu, tout ce qui a trait aux discriminations entre les sexes et les ethnies est banni. Darby Saxbe, professeure en psychologie de l’Université de Californie du Sud a publié une liste de 120 mots-clés à proscrire selon le cathéchisme trumpien, allant de « préjugés » à… « femmes ».

Le nouveau pouvoir utilise donc l’IA (Intelligence Artificielle) pour détecter ces mots interdits dans tous les projets financés par le gouvernement fédéral afin de les exclure des subventions.

Pour la professeure Darby Saxbe, Trump déclare la guerre contre la science:

 Il est impossible de concevoir une étude sur les humains sans utiliser au moins un des termes figurant sur la liste des interdictions. Cela signifie que la recherche biomédicale, sociale et les neurosciences sont désormais gelées aux États-Unis.

L’âge de destruction par le spectacle

Chercheur et politiste de l’Université Queen’s en Ontario (Canada), Ian Garner se montre fort pessimiste:

L’ère qui vient n’est pas celle d’un âge d’or mais d’un âge de destruction, qui exigera des États-Unis le sacrifice sans fin de leur puissance, de leur identité et de leurs sujets sur l’autel du spectacle médiatique.

La première puissance est-elle condamnée à s’enfoncer encore plus dans la médiocrité? Le risque paraît évident. Mais dans ce tunnel crasseux, le professeur Mark Kasselman distingue tout de même un point lumineux:

Le contrôle autoritaire de l’administration Trump pourrait s’avérer de courte durée. Il est probable que ses politiques aient des effets indésirables qui se fassent vite sentir. Par ailleurs, étant donné que de nombreuses propositions de l’administration sont très impopulaires, elles peuvent provoquer des réactions, sous forme de mouvements sociaux par exemple. Le [Parti républicain] pourrait également perdre le contrôle de l’une ou des deux chambres du Congrès lors des élections de mi-mandat de 2026. Dans ce cas, le système de freins et de contrepoids, même affaibli, pourrait contribuer à préserver la démocratie américaine.

Le professeur Kasselman souligne aussi que Trump peut sécréter ses propres limites, de par son caractère erratique et son âge (79 ans en juin). Lorsque durant la campagne présidentielle de cet automne, Donald  Trump a bombardé Viktor Orban président de la Turquie, il yoyotait quand même sévèrement de la touffe! Certes, les Etatsuniens sont encore plus nuls que les Français en géographie. Mais il s’agit tout de même d’un président qui est censé savoir sur quel point de la planète il va envoyer ses missiles!

La technomodernité de type médiéval

Désormais, Donald 1er et ses féaux (fléaux?) sont en train d’ériger l’hypercapitalisme sauvage en nouvelle féodalité. Sans contrepouvoir, la République dégénère très rapidement en autocratie. Trump se voit donc en roi décrétant ce qui doit se dire, se penser, se faire. Il réinstaure les liens de la vassalité et se voit suzerain accordant à ses vassaux les fiefs qu’il veut bien leur accorder.

Un système qui sera protégé par un puissant appareil de répressions tous azimuts, appareil qui, lui, disposera des largesses budgétaires refusées aux autres secteurs de la société.

Idéologie que se veut à la pointe de la technomodernité, le liberterianisme conduit à des situations similaires à celles qui prévalaient Moyen-Age. Le paradoxe n’est qu’apparent.

Mais l’ennui avec les vassaux, c’est qu’un jour ou l’autre, ils veulent être suzerains à la place du suzerain! Et comme ils auront détruits les garde-fous, tous les coups leur seront permis.

Donald 1er ferait bien de se méfier en traversant la rue, sa couronne risque de tomber sur le trottoir.

Jean-Noël Cuénod

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