Le rêve de reconquête impériale caressé par Poutine éprouve mille peines à prendre réalité. La Russie reste engluée en Ukraine. Avec l’entrée de la Finlande voisine dans l’Alliance atlantique, Moscou partage désormais 1340 kilomètres supplémentaires de frontière terrestre avec l’Otan. Et l’allié chinois est en train de remettre le Kremlin à sa place.
« La Chine et la Russie sont liées par une amitié éternelle » répète ponctuellement Pékin lorsqu’il s’agit de soutenir Moscou dans la guerre poutinienne contre l’Ukraine. Mais pour le président Xi Jinping, amitié ne rime pas avec égalité.
L’ami russe peut compter sur son soutien, certes, sur le plan diplomatique et, surtout, économique puisque la Chine y trouve ses intérêts en achetant à bas prix les produits énergétiques de la Fédération.
Toutefois, Pékin prend bien garde de diversifier ses sources d’approvisionnement afin de ne pas répéter l’erreur des Allemands (lire à ce propos cet article).
Prudence chinoise
En revanche, sur le plan militaire, le dictateur Xi se garde bien, pour l’instant, d’apporter un appui militaire direct à l’ami Poutine, malgré les craintes exprimées à ce propos par le président américain Joe Biden. Il s’agit aussi de ne pas heurter de front l’Union européenne, un nain militaire, certes, mais un géant commercial autrement plus alléchant que la Russie. Et les communistes chinois ne quittent jamais le « bizness » du regard.
D’autant plus que, diplomatiquement, Xi Jinping dispose d’une carte intéressante. Entre le clan Atlantique arc-bouté dans son soutien à l’Ukraine, et la Russie de Poutine qui s’enfonce dans une guerre stupide qui perdure, le dirigeant chinois cherche jouer les pacificateurs.
Le plan chinois en douze points pour la paix (le plan ici) n’a guère été pris au sérieux aux Etats-Unis et en Europe car jugé trop complaisant vis-à-vis de Moscou. Néanmoins, dans son premier point figure en creux une critique contre l’ami russe: La souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de tous les pays doivent être effectivement défendues. De tous les pays donc, y compris l’Ukraine.
Sfumato sur la Crimée et les régions annexées
Il reste à savoir, dans l’esprit de Xi, de quelle souveraineté relèvent la Crimée et les régions annexées par la Russie en Ukraine. A leur propos Pékin se contente d’un prudent sfumato.
Le 18 mai dernier, la Chine a envoyé à Kiev son vice-ministre des affaires étrangères et responsable des affaires eurasiatiques Li Hui qui fut également ambassadeur à Moscou de 2009 à 2019. Il a pris langue avec le ministre ukrainien des affaires éltrangères Dmytry Kouleba.
Si personne ne s’attendait à des annonces spectaculaires à l’issue de cette rencontre, il n’empêche que le dialogue s’est noué entre Kiev et Pékin. La Chine est donc en capacité diplomatique de dialoguer avec tous les acteurs de la guerre en Ukraine.
Mais c’est dans deux autres domaines, autrement plus inquiétants pour la Russie, que la Chine vient d’avancer ses pions.
Pékin « siphonne » l’« étranger proche » de Moscou
Tout d’abord, les 18 et 19 mai dernier, Pékin a organisé un sommet tout à fait inédit avec cinq Etats qui appartenaient naguère à l’empire soviétique et se trouvent encore – mais pour combien de temps? – sous l’influence de la Russie: Kazakhstan, Kirghizistan, Tadjikistan, Ouzbékistan et Turkménistan.
Selon l’agence de presse officielle chinoise Xinhua, ce sommet avait pour but « de définir un nouveau plan pour les relations entre la Chine et l’Asie centrale et d’ouvrir une nouvelle ère de coopération ».
Histoire de rappeler à ces cinq Etats appartenant à « l’étranger proche » de la Russie que la puissance se situe désormais du côté de Pékin et non plus à Moscou, Xinhua souligne qu’à la fin de l’année 2022, le montant des investissements directs chinois dans ces cinq Etats « a atteint près de 15 milliards de dollars ».
« Dernier élément et non des moindres » ajoute l’agence chinoise, « le sommet a apporté de nouvelles contributions au maintien de la sécurité régionale ». Le parapluie chinois n’est pas seulement doré…
Un G4 à la Chinoise mais sans la Russie
Enfin, Pékin est en train de dessiner la future gouvernance de la planète en suggérant la création d’un directoire mondial, une sorte de G4 composé par la Chine, les Etats-Unis, l’Union européenne et le « Sud Global » (lire cette excellente chronique de Pierre Haski dans l’Obs).
Passons sur l’improbable « Sud Global » et retenons une absence de marque dans ce quatuor de la puissance, celle de la Russie.
Pour Pékin, l’ancienne co-puissance mondiale doit se résigner à n’occuper qu’un pupitre de piccolo dans le concert des Nations.
Ainsi, entre l’Otan, plus uni que jamais, qui s’agrandit sur son flanc européen, Moscou se voit très gentiment mais fermement supplanté par Pékin sur son flanc asiatique. Entre les deux, le rêve impérial de Poutine risque fort l’étouffement.
Eternelle amitié entre la Russie et la Chine? Réponse de Woody Allen: « L’éternité, c’est long, surtout vers la fin ».
Jean-Noël Cuénod
Excellent
Je pense également que la Chine va s’implanter en Russie extrême-orientale à moyen terme, car elle a besoin d’espace.
Sa technique est simple. Comme en Ethiopie. Je te fais une route gratos, des ponts, des trains et des immeubles pour loger mes chinois…..qui vont ouvrir des commerces et des restos.
On ne peut pas renvoyer un chinois en Chine. C’est un fait réel. Cette nation ne reprend même pas ses délinquants condamnés.
Donc…..