Ukraine … Et s’élève la voix de son poète

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Portrait de Taras Chevtchenko par Ivan Kramskoï sur fond de drapeau ukrainien.

La vérité est toujours la première victime de la guerre. Et avec elle, c’est le langage qui croule sous les bombardements, comme l’a démontré Poutine en annonçant ce matin son agression de l’Ukraine. Seuls les poètes peuvent sauver la langue. Ecoutons la voix du plus célèbre d’entre eux en Ukraine : Taras Chevtchenko.

Comme tant d’autres prédateurs avant lui, à commencer par Hitler, Vladimir Poutine inverse systématiquement la signification des mots. L’agresseur devient l’agressé, l’oppresseur, le libérateur et le président de l’Ukraine Volodymyr Zelenski démocratiquement élu, le chef d’une junte.

Pour rétablir la vérité des mots, il faut revenir à leur source, la poésie. C’est pourquoi sans doute, les poètes sortent de l’oubli lorsque surgissent les lance-missiles. Jamais les Français n’avaient lu autant de poèmes que lors de l’Occupation et de la Libération.

Le moment est donc venu d’écouter des profondeurs de la culture de ce pays meurtri une fois de plus, le poète ukrainien le plus célèbre Taras Chevtchenko.

De l’esclavage à la liberté

Né esclave le 25 février 1814 à Moryntsi au sud de Kiev et décédé le 26 février 1861 à Saint-Pétersbourg, il est considéré comme le fondateur de la littérature proprement ukrainienne. La zone où il voit le jour est alors annexée par l’empire russe qui avait absorbé l’Etat Cosaque, ancêtre de l’Ukraine.

Le jeune Chevtchenko démontre rapidement ses talents d’artiste peintre et de poète qui sont repérés par un groupe d’artistes et d’écrivains russes et ukrainiens qui, selon le site de France-Culture, « vont changer son destin en s’organisant pour l’affranchir. On y trouve notamment Vassili Joukovski, un important poète russe, et le peintre Karel Brioullov. Celui-ci va peindre un portrait du premier, vendu aux enchères 2500 roubles, soit la somme réclamée par le tuteur de Chevtchenko pour obtenir sa liberté. »

Kobzar

Sa liberté acquise, c’est vers une autre plus large, qu’il consacre sa peinture et ses poèmes : celle de l’Ukraine qui ploie sous le joug tsariste. Son plus célèbre recueil a pour titre Kobzar, du nom des bardes ukrainiens qui s’accompagnaient d’une sorte de luth appelé kobza.

Ce livre provoquera un électrochoc parmi la population urkrainienne et sera à l’origine d’une nouvelle conscience nationale. Il a été publié en français par les Editions Bleu & Jaune et traduit et annoté par Darya Clarinard, Justine Horetska, Enguerran Massis, Sophie Maillot et Tatiana Sirotchouk.

Jean-Noël Cuénod

L’un de ses poèmes les plus connus a pour titre Ivan Pidkova, le voici.

Ivan Pidkova

Il fut un temps, en Ukraine,
Où les canons grondaient ;
Il fut un temps où les Zaporogues
Savaient régner.
Ils régnaient et gagnaient
Leur gloire et leur liberté ;

 Cela est passé, seules sont restées
Des tombes dans la plaine.
Hautes sont les tombes
Où sombrèrent dans le repos
Les corps blancs des Cosaques,
Drapés dans une toile écarlate.

 Hautes sont ces tombes,
Noires, semblables aux montagnes,
Qui conversent à voix basse, dans la plaine,
De la liberté avec les vents.
Ces témoins de la gloire des ancêtres
Discutent avec le vent,
Tandis que leur descendant porte sa faux
dans la rosée,
En reprenant leur chant.

 Il fut un temps, en Ukraine,
Où le malheur dansait,
Le chagrin s’enivrait à la taverne
D’hydromel par seaux entiers.
Il fut un temps où il faisait bon vivre
En cette Ukraine…
Souvenons-nous-en ! Notre cœur, peut-être,
Connaîtra un répit.
Taras Chevtchenko
 

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