Il n’est jamais trop tard pour offrir des présents pour conjurer le passé et chanter le futur. Voilà qui tombe à pic pour éclairer la Grande Nuit Covidienne, le livre de Rémi Mogenet, Chants et Conjurations qui vient de paraître aux Editions de L’œil du Sphinx. En voici la préface rédigée par votre serviteur.
Qui ne voit ni anges ni fées a perdu son regard. Ne le cherchez plus au Bureau des objets non-trouvés, la poésie est là pour vous le restituer. Encore faut-il la lire, la sentir, l’écouter, la palper. L’Epoque la dissimule sous ses oripeaux de bruits. Elle reste pourtant à portée de cœur, vivante comme le murmure du ruisseau. Saisissez-là et entrez dans sa danse.
Pour guider vos pas, le poète Rémi Mogenet sera le maître de ballet, par la grâce de ses Chants et Conjurations.
Dansez, dansez, dansez et vous remonterez à la source de la vie comme un saumon sacré ! C’est là qu’elle se fabrique, la vie, dans les forges de la poésie. Ce mot dérive du verbe grec poiein qui signifie « créer », « faire ». La poésie est donc l’inspiration première de toute création, qu’elle soit divine ou humaine.
C’est elle qui peuple et anime le « monde imaginal ». Décrit par le philosophe et orientaliste Henry Corbin, cet univers se situe entre le monde des idées et le monde des sens. Il permet le passage de l’un à l’autre (et de l’autre à l’un !) en cultivant cette faculté que nous sommes toutes et tous capables de développer : l’ « imagination créatrice » que l’on peut aussi nommer « puissance poétique ».
L’imagination active
Il faut se garder de confondre l’imaginaire qui reste dans l’irréel et le fictionnel, voire la fabulation ou le délire avec l’imagination créatrice (qualifiée aussi d’« active » ou « agente »). Il s’agit d’une faculté cognitive de plein droit. L’imagination créatrice ou puissance poétique donne une figure, une dimension, un rythme, un visage aux archétypes qui structurent l’âme humaine. Elle rend visible l’invisible. Elle permet à l’idée de prendre corps ; à l’inverse, par elle, le corps peut remonter à l’idée qui se situe dans le monde de l’esprit.
Nous créons chaque jour, peu ou prou, un monde imaginal par notre imagination créatrice. Nous sommes toutes et tous des poètes, en puissance.
Certes, la poésie aujourd’hui n’a plus mauvaise presse, elle n’a plus de presse du tout. Elle n’est même pas détestée, méprisée ; l’actuelle société médiamercantile l’ignore. Engluée dans sa fange où elle croit vainement y dénicher des pépites, elle ne saurait que faire de la poésie. Et réciproquement. Entre les deux, il y a incompatibilité de nature.
La société médiamercantile se décomposera un jour ou l’autre, comme celles qui l’ont précédée. Alors que la poésie demeure au fil du temps. Elle était déjà présente dans les grottes préhistoriques où nos ancêtres captaient leurs songes pour les transcrire sur les rochers ; elle perdurera bien au-delà de nos existences.
Le seul acte révolutionnaire qui nous reste
Dans son bel ouvrage, Rémi Mogenet nous fait partager, en pleine fraternité, son monde imaginal. Vous y ressentirez cette effervescence amoureuse où les Saints caressent les seins des fées pour l’éternelle étreinte qui entretient le feu divin.
En virevoltant sous les violons des lutins, vous apercevrez Rahan, Superman, Tarzan et Jane, des guerriers d’or revêtus, mais aussi François de Sales et Kafka. Doux Evêque pacificateur de fantômes qui reconnaît sa Dame sur les rives du lac d’Annecy ou prophète qui décrypte les nuages de plomb au-dessus de Prague. Lorsque tout est illusion, seuls les mythes portent le réel. Le reste n’est que métaux rouillés.
En ce bas monde, la poésie est le seul acte révolutionnaire possible. Les images qu’elle trempe dans ses forges donnent au rêve ce corps qui lui manque. Et il faut un corps puissant pour jeter bas cette matière qui s’est assise de tout son poids sur notre poitrine. L’actuelle pandémie au Covid-19, en s’attaquant au système respiratoire, apparaît comme le symbole universel de cette société à bout de souffle.
Le retrouver, notre souffle… Longue marche fouettée de vents contraires, âpres combats contre les ombres, chausse-trappes au tournant… Tout peut arriver, le meilleur comme le pire. Reste l’espérance sans illusion comme le suggère ce vers de Chants et Conjurations : « Chevaliers du futur, vous reviendrez peut-être ».
Jean-Noël Cuénod
Cela me plaît bien mais je suis à Paris.
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Bonne journée , année.