Joseph Robinette Biden Jr. est donc élu président des Etats-Unis avec 284 grands électeurs (il lui en fallait 270). Pour lui, les ennuis peuvent enfin commencer. Et il va être servi. Tout d’abord, Donald Trump, que la défaite rend encore plus délirant, multiplie les provocations et les recours en justice afin de maintenir ses partisans sous tension. Jusqu’au 20 janvier, Moumoute Jaune a tout loisir de pourrir encore plus la situation.
Pour gérer le chaos que son mauvais perdant aura créé, Biden pourra compter sur une relative légitimité. Avec quelque 75 millions de suffrages, il est le président qui a engrangé le plus de voix de l’Histoire étatsunienne. Toutefois, ce score passera sans doute au second plan, en raison du système d’élection indirecte. Les Etatsuniens se souviendront plus des interminables attentes et du coude-à-coude avec Trump dans la course aux grands électeurs que du résultat global. De plus, même avec sa gestion catastrophique de la contamination au Covid-19, il s’est trouvé plus de 70 millions d’électeurs pour voter Donald Trump. Sans la contamination, on n’ose imaginer le résultat final !
C’est dire si les Républicains ont tout intérêt à faire désormais du Trump sans Trump : même politique économique à la fois protectionniste et favorable aux ultrariches, nationalisme exacerbé, conservatisme étroit, racisme larvé, autoritarisme policier ; toutefois sans les clowneries. Ce qui rend cette tendance d’autant plus dangereuse pour la volonté d’apaisement promise par le président élu.
Pas de Vague Bleue
En outre, les élections au Congrès n’ont pas soulevé de Vague Bleue (couleur des Démocrates). Les résultats au Sénat et à la Chambre des Représentants ne sont pas encore connus mais les Républicains risquent fort de conserver la majorité du Sénat. Si tel était le cas, cette assemblée ne manquerait pas de mettre des bâtons dans les roues du président Biden. Il devrait alors tenter de trouver des compromis avec la majorité républicaine pour faire passer ses projets.
L’ennui, c’est que les Républicains d’aujourd’hui ne sont plus ceux de naguère, soit de bon vieux réacs, assortis néanmoins d’un solide sens civique, propre à mener à bien un dialogue fructueux avec l’adversaire.
Ceux d’aujourd’hui se sont nettement radicalisés à droite, voire plus, avec quelques spécimens particulièrement gratinés d’intégristes «chrétiens» du genre allumé ou alors des cohortes de mini-Trump à la cervelle encrassée d’infox et de théories complotistes. Allez trouver un terrain d’entente avec ces gens-là !
Risques de paralysie et de violence politique
Le résultat risque de provoquer la paralysie des institutions, créant la frustration dans le camp démocrate, la hargne décuplée dans le camp républicain et la colère des Etatsuniens des classes moyennes ainsi que des plus pauvres ; les uns se verraient privés de réformes salariales et les autres, de l’amélioration du système d’assurance-maladie, tous projets promis par le candidat Biden.
Sans compter que la haine entre suprémacistes blancs et le mouvement Black Lives Matter ne manquera pas de prospérer sur ce terrain, suscitant les violences de rue, sources de déstabilisation du pouvoir.
Une Cour Suprême trumpocompatible
Autre écueil d’importance : Joe Biden devra composer avec une Cour Suprême composée en majorité de juges trumpocompatibles. Pour contourner l’obstacle, les Démocrates peuvent proposer d’augmenter le nombre des juges (neuf actuellement) pour diluer leur influence hyperconservatrice ou alors de limiter la durée de leur mandat (à vie jusqu’à maintenant). Toutefois, seul le Congrès (composé du Sénat, soit 100 membres, et de la Chambre des Représentants, soit 435 membres) est habilité à prendre de telles décisions. Tout dépend donc du rapport de force parlementaire qui, pour l’instant, est loin d’être acquis aux Démocrates.
Préparer le terrain pour Kamala Harris
A 77 ans (tout juste l’âge de lire encore Tintin !) l’essentiel du travail de Joe Biden consiste à bien préparer le terrain de la prochaine élection à sa vice-présidente Kamala Harris (photo), 56 ans, ancienne procureure générale et sénatrice de Californie qui a montré toute l’étendue de sa pugnacité dans ses deux fonctions.
Mais même comme « pape de transition ». « Sleepy Joe » a de quoi faire des insomnies.
Jean-Noël Cuénod
Très belle analyse…malheureusement vraie…ou…heureusement ?!!!
Tout empire est voué à son autodestruction et les U.S.A. y arrivent enfin. Peut être qu’une nouvelle ère va voir le jour. Ce serait le seul espoir pour les jeunes générations, auxquelles on ne peut plus raconter de mensonges sur les avantages des soi-disant reformes « satisfaisant tout le monde » !