Il y a tellement de feux que l’on ne sait plus où donner de la lance à eau. Feux de forêts. Feux de ville. Feux de village. Feux de rue. Feux de bouche. Feux partout. Mais glace au cœur. Aurions-nous un destin d’omelette norvégienne? Feux à la mémoire aussi. C’est le génocide qui n’a jamais été nommé tel, le féminicide de masse oublié: l’holocauste des sorcières. Mais voilà qu’elles reviennent…TEXTE et/ou PODCAST
A LIRE
Le chant de la Sorcière
Vous m’aviez tuée me revoilà
Mon ventre vous faisait tellement peur
Peur à ne pas en croire vos entrailles
Quand de mes gouffres s’élevait le Chant
Vous avez cru ouïr le Diviseur
Et vous n’avez pas reconnu Christ-Femme
Les plus vieux savaient ils se sont tus
Préférant vous voir errer dans l’horreur
Plutôt que de laisser leur mitre choir
Et rouler dans un grand éclat de rire
Vous m’aviez brûlée me revoilà
Par mes cendres ce feu vous a nourris
Par ma poussière d’os calcinés
Vous avez engraissé vos champs vos panses
Mon corps éparpillé à tous les vents
A imprégné vos routes et vos maisons
Quand la fornication vous prenait
J’étais dans vos huttes et dans vos lits
Votre sang m’emportait comme un noyé
Seul votre cerveau m’avait effacé
Vous m’aviez niée me revoilà
Ce feu aujourd’hui vous a éteint
Vous a étreint dans ses fumées tièdes
Les hommes sans nombre ont sombré dans l’ombre
Ils ont perdu la clef de leur prison
Le temps de mes filles est donc venu
L’homme règlera ses pas à leur marche
Soumettra ses vertiges à leur danse
Vous m’aviez damnée me revoilà
L’Éternel est tellement loin de vous
Votre vision si faible si trouble
Racornit votre coeur vous rend muet
Vos cendres se confondent aux miennes
Mes filles vous conduiront à Christ-Femme
Vers le seul Feu qui jamais ne s’éteint
Qui diluera les bûchers dans ses flammes
Vous ne serez plus un corps étranger.
Jean-Noël Cuénod
Extrait de « Qui a éteint le Feu? » Grand Prix Renée-Vivien 2019, Editions des Sables.
A OUÏR
C’est tellement beau et vrai.
Cela résonne en nous. Triste société parfois.
Merci pour ce poème puissant.
Quel bien cela fait d’entendre des poèmes d’une telle profondeur !
Les filles de Christ-Femme étant éternelles, cela laisse un peu de temps aux hommes pour reprendre leurs esprits.
Qui sait ? Dans quelques siècles… !
Merci cher Jean-Noël.