Voilà donc Confinement3 qui débarque dans seize départements français représentant le tiers de la population du pays. Au même moment, apparaît – après l’anglais, le sud-africain et le brésilien – le variant breton, moins exotique mais plus sournois puisqu’il passe sous le radar des tests. De toute évidence, nous nous y prenons mal dans cette guerre contre l’invisible.
D’ailleurs, ne devons-nous pas reconsidérer le terme même de « guerre » brandi d’un poing jupitérien par le président Macron et d’autres personnalités (parfois alitées tout court comme Boris Johnson) ? L’arsenal rhétorique a été pillé pour qualifier ce nouveau conflit mondial : stratégie antivirale, tactique vaccinale, mobilisation générale, couvre-feu, soldats en première et seconde lignes du front, sans oublier ces missiles terre-fesses que sont les seringues armées de vaccin.
L’intendance ne suit toujours pas
Hélas, l’intendance ne suit toujours pas. « Où sont nos obus ? », s’écriaient les artilleurs en 1940. « Où sont nos vaccins ? », répondent en écho les officiers en blouse blanche, 81 ans plus tard.
Il s’ensuit que nous avons adopté vis-à-vis du Covid-19 une attitude insultante comme dans toutes les guerres. L’ennemi est réduit à une chose infâme qui n’a d’autres noms que les injures dont on le recouvre. On parle de ce coronavirus comme d’une « saloperie », une « ordure perverse », un « monstre implacable » qui vient jusque dans nos bras égorger nos fils, nos compagnes et même nos filles et nos compagnons.
Après un an de combat, cette vision belliqueuse n’a pas porté ses fruits. Dès lors, ne devrait-on pas changer notre fusil d’épaule ou plutôt le remiser à la cave comme n’importe quel citoyen suisse après son « cours de répétition » ?
Qu’a-t-il à nous dire ?
Et si au lieu d’insulter Covid-19, on lui réservait des petits mots sympas ? On ne lui déclarerait plus la guerre mais on écouterait attentivement ce qu’il veut nous dire.
Car il veut nous dire quelque chose. Mais quoi ? Qu’il n’est que le miroir dans lequel nous nous contemplons ? Qu’il n’est que le fils de nos œuvres et l’expression de notre hybris ? Qu’il n’est qu’un virus parmi tous ceux que nous avons créés – virus informatique, marketing viral, viralité des réseaux sociaux, multiplication des images ?
Plutôt que le vouer aux Gémonies, tendons vers lui un esprit affectueux en gage de paix. « Le moment est venu où les diplomates doivent prendre le pas sur les hommes d’action » disait Paul Volfoni (incarné par Jean Lefebvre) dans les Tontons flingueurs (ce passage en vidéo ci-dessous).
« Est-il seulement un être vivant ? » rétorquerez-vous. Les scientifiques sont partagés à ce propos. En tout cas, il est porteur d’une information et agit comme un parasite. Ce qui est tout de même assez proche de la définition du journaliste, prétendront fielleusement les contempteurs de notre profession.
Perpétuelle avance du criminel ingénieux
Quel que soit son statut, il est là. Tentons de le circonvenir avec de désarmantes pensées positives. Après tout, il tient peut-être son énergie de l’animosité « virulente » que nous lui opposons. Et la plasticité de son camouflage en de multiples variants n’est-elle pas l’illustration de la perpétuelle avance du criminel ingénieux sur ses poursuivants policiers ?
En tout cas, si parler avec douceur au Covid-19 ne contribuerait en rien à son éradication, au moins ressortirions-nous apaisé de cette expérience, au lieu de rester crispés sur nos mitrailleuses imaginaires. Ce qui n’est pas forcément néfaste au déploiement de nos défenses immunitaires. C’est toujours ça de pris. Sur l’ennemi ? Que nenni. Sur l’ami coronaviral.
Jean-Noël Cuénod
ESPACE VIDEO
On ne s’en lasse pas…
En état de choc, nous nous sommes tous posés la question : « à qui profite le crime ? » Sans réponse la question suivante a été : « que demande l’ennemi ? » Et là, je crois que la réponse est claire. Une fois de plus tu nous la livres de manière tellement élégante ! Merci Jean-Noël.