La polémique déclenchée par l’interview d’Agnès Buzyn au Monde secoue même la presse internationale[1]. En pleine crise de la Covid-19, l’ancienne ministre de la Santé s’est donc « lâchée » contre le gouvernement dont elle faisait partie. De quoi voir rouge et même de toutes les couleurs !Dépitée par sa cuisante défaite électorale, Agnès Buzyn a affirmé avoir alerté, dès janvier, le président de la République et le premier ministre de l’importance de la contamination par le coronavirus. Elle critique aussi le maintien du premier tour des élections municipales. Accusations d’autant plus graves qu’elle est portée par une professeure de médecine, hématologue de renom (lire son interview, ici)
Le premier ministre Edouard Philippe conteste. De toute façon, que la vérité penche du côté de l’ex-ministre ou de son ci-devant patron, le résultat est le même : flux de la marée d’angoisse.
Alors, la tentation est grande, voire difficilement résistible, de transformer Agnès Buzyn, et avec elle tout l’exécutif, en bouc émissaire. Mais le moment d’entamer des procès, aussi justifiés soient-ils, n’est pas de saison. Certes, il faudra bien régler ces comptes mais ce jour n’est pas encore venu.
Cela dit, que les Français sachent que leur gouvernement n’est pas le seul à être attaqué pour des motifs à peu près semblables. Ainsi, le docteur Bertrand Kiefer, rédacteur de la Revue médicale suisse, accuse-t-il le conseil fédéral (gouvernement) helvétique d’avoir tergiversé avant de prendre les mesures qui auraient dû s’imposer beaucoup plus rapidement.
Sans doute, constaterons-nous, lorsque la pandémie sera jugulée, que la plupart des gouvernements auront commis des erreurs lourdes de conséquence. C’est la planète entière, nez dans le guidon de la mondialisation sauvage, qui a été prise au dépourvu. Il faut remonter à 1918 pour trouver une pandémie d’une telle ampleur. A l’époque, cet épisode avait provoqué entre 50 et 100 millions de morts. Mais il s’ajoutait aux flots des horreurs déversés par la Première Guerre mondiale ; elle a quelque peu occulté cette pandémie dans notre mémoire collective.
Par mesure d’hygiène civique, il faut donc remiser le bouc émissaire dans son écurie. Pour le moment. Et concentrer toute notre énergie non pas dans la colère mais dans la préservation de notre humanité. Une humanité qui est toujours mise en péril dans ce genre de circonstance, rappelons-nous les pogroms dont furent victimes les juifs durant la peste noire.
Et puisque nous vivons confinés, relire la Bible est œuvre utile, que « vous soyez de la chapelle ou que vous vous y dérobiez » (cf. La Rose et le Réséda, immense poème d’Aragon). A ce propos, Qoélet, appelé aussi Ecclésiaste nous dit bien des choses :
ll y a temps pour tout, et chaque chose sous le ciel a son heure :
Temps de naître et temps de mourir,
Temps de tuer, temps de guérir,
Temps de planter, temps de détruire,
Temps de bâtir, temps d’arracher,
Temps de gémir, temps de danser,
Temps de pleurer et temps de rire.
Il y aura un temps pour juger. Le temps de ce jour est d’aimer. Tout le reste n’est que vaine polémique, comme le rappelle Qoélet :
J’ai vu toutes les œuvres qui se font sous le soleil ; mais voici que tout est vanité et poursuite de vent.
Jean-Noël Cuénod
[1] Lire cet article du Courrier InternationalVIDEO
Inspirée sans doute par Qolélet, cette version française de Green leaves of summer
Merci Jean-Noël c’est très beau