Où que l’on porte son regard sur les paysages politiques de la planète, c’est le vide. Voilà qui n’est pas pour rien dans la déprime générale qui accable les peuples.
Passons sur les Etats-Unis englués dans Trump-la-Mélasse, sur la Grande-Bretagne qui a poussé le surréalisme parlementaire dans ses profondeurs les plus abyssales, sur l’Italie agitée par ses fâcheux clowns fachos, sur la France et ses émeutes sans fin et son président sans frein, sur la Russie qui gonfle ses muscles politiques pour mieux cacher sa débilité économique, sur la Turquie et son insultant Sultan. L’Espagne reste fragilisée par la question catalane et l’apparition de Vox, parti inspiré par le franquisme. L’Allemagne est en panne de propositions politiques pour l’Europe. Bref, voilà le monde sans pilote. Ou presque.
Certes, il reste, entre autres, la Chine gouvernée à la trique par un président Xi-Jinping qui a bien compris les enjeux du contexte géopolitique actuel. Mais enfin, il s’agit d’un pays qui conjugue deux fléaux, l’hypercapitalisme assoiffé et la tyrannie stalinienne. Comme toutes les contradictions, celle-ci est appelée à mourir. Dans la douleur ?
Quelques rares petits pays s’en sortent mieux : les Scandinaves, comme d’habitude, malgré les tensions xénophobes ; le Portugal qui vit, selon les médias, « un miracle économique et social » grâce à son gouvernement socialiste (ce qui devrait faire réfléchir le PS français qui fait porter ses échecs sur le compte d’une crise générale de la social-démocratie) ; la Suisse qui doit moins sa situation enviable – du moins, en comparaison avec ses voisins – aux qualités de ses gouvernants qu’à sa démocratie semi-directe obligeant le parlement et le gouvernement fédéral à réfléchir avant de décider. Sans doute, ici ou là, trouvera-t-on encore quelques îlots de gouvernance correcte. Mais cela n’éclaircit pas le sombre tableau du monde présent.
Si les dirigeants ne sont pas à la hauteur de la situation, c’est que leurs peuples n’ont pas trouvé en eux les forces nécessaires pour faire émerger des pilotes efficaces. En France, la crise des « Gilets Jaunes » constitue à cet égard un exemple très évocateur. En sept mois d’émeutes hebdomadaires, d’une part, le président Macron et son gouvernement se sont montrés incapables de donner des réponses convaincantes mais d’autres part, les émeutiers du samedi n’ont pas réussi à mettre de l’ordre dans leurs revendications contradictoires, ni à faire naître un mouvement politique et social cohérent.
Le monde serait-il devenu trop complexe pour être compris et donc trop compliqué pour être dirigé ? Dans une société qui favorise l’image et l’émotion plutôt que l’écrit et la raison, les qualités requises pour parvenir au pouvoir deviennent des défauts lorsqu’il s’agit de l’exercer. Il en résulte ce grand vide politique, angoissant et désespérant.
Désormais, ce grand vide tend à être rempli par les groupes économiques issus du capitalisme financier et des nouvelles technologies, les intouchables GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) qui vont de plus en plus dicter leurs lois en fonction, non pas de notre liberté, mais de leurs seuls intérêts. C’est une nouvelle forme de dictature qui tend à s’imposer, par le doux truchement du crétinisme généralisé.
Cela dit, rien n’est jamais écrit de façon définitive. Toute force qui tend vers son zénith sécrète une force opposée qui, en fin de compte, peut la renverser. Aujourd’hui, un thème semble dominer partout dans le monde : la transition vers une économie respectueuse de l’environnement. Sur cette base peuvent s’articuler de nouveaux mouvements politiques et sociaux propres à résister à l’ordre GAFAM, voire à le renverser.
Car c’est bien la question d’une révolution qui se pose. Personne ne peut en dessiner les contours, ni même affirmer avec certitude son avènement. Mais les choses ne peuvent en rester là. Les choses, d’ailleurs, n’en restent jamais là ! Autant commencer à faire sa révolution personnelle en résistant à l’info-spectacle afin de subvertir la tyrannie médiatique des GAFAM, en tendant l’oreille aux murmures de la nature, en participant à la préservation de l’environnement, en demeurant attentif à tout ce qui bouge contre les aliénations. En trois mots : se tenir prêt.
Jean-Noël Cuénod
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