Navalny, l’indomptable fantôme de Poutine

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©Michał Siergiejevicz capté sur Wikimédia Commons

Il fait – 23˚ (ressenti: – 37˚) sur la péninsule de Yamal, selon un site météo interrogé dimanche 18 février 2024. Yamal, enfer blanc situé au-delà du cercle polaire où les goulags de la Russie poutinienne ont remplacé ceux de l’ère soviétique. Rien n’a changé, hormis le drapeau. C’est là que s’étend la colonie pénitentiaire No. 3 où Alexeï Navalny a été tué. 

Son corps est encore caché à sa famille au moment où ces lignes sont rédigées. De toute façon, les circonstances détaillées de sa mort risquent de n’être jamais connues.

Le knout du Staline glabre

Cela dit, quelle importance? L’auteur est identifié: Vladimir Vladimirovitch Poutine, le Staline glabre qui mène la Russie sous le knout, comme tant de ses prédécesseurs.

En le reléguant dans l’une des contrées les plus inhospitalières de son pays, entre les murs de l’une de ses plus rudes colonies pénitentiaires – connues pour l’usage intensif de la torture –, assigné au régime le plus sévère, Poutine a scellé le sort d’Alexeï Anatolievitch Navalny, âgé de 47 ans.

Affaibli par son empoisonnement au Novitchok que lui a servi le FSB (le KGB de Poutine), placé régulièrement en cachot, il était clair que le prisonnier politique ne pouvait pas devenir centenaire, même s’il y a peu, il avait affirmé à ses proches se trouver en bonne santé.

Et le fait que les autorités cachent son corps donne du poids à l’hypothèse d’un assassinat par les brutes salariées de la colonie No. 3.

Juste avant les pseudo-élections en Russie, il fallait sans doute faire taire définitivement le plus crédible des opposants, afin d’éviter toutes fausses notes.

En Russie, comme jadis en URSS, une élection, ça s’organise, ça balaie toutes les menaces de mauvaises surprises, ça se met bien en scène afin de créer l’illusion qu’un même choeur chante la gloire du Vojd.

Navalny élevé au rang d’icône

Pour autant, Vladimir Poutine n’en a pas fini avec Alexeï Navalny. En le tuant, d’une façon ou d’une autre, l’Oligarque-en-Chef s’est débarrassé du corps de son ennemi mais, ce faisant, l’a propulsé au rang de héros mythique, d’icône perpétuelle.

Quoi de plus mobilisateur que devenir icône dans une nation que plus de 80 ans d’athéisme officiel n’ont pas réussi à effacer l’empreinte orthodoxe?

Navalny mort dispose de tous les atouts: un visage superbe, un charisme encore renforcé par la mort et le destin christique d’un homme qui a sacrifié sa vie pour la liberté de son peuple.

Car sacrifice, il y a. Empoisonné en 2020 par les sbires du Kremlin, il avait échappé par miracle à la mort en parvenant à se faire soigner en Allemagne. Alexeï Navalny aurait pu rester dans l’Europe libre mais sa voix aurait perdu de sa vigueur. Parole d’un exilé parmi d’autres, coupé de la Russie et, ce faisant rendu peu crédible.

C’est donc en sachant pleinement ce qui l’attendait les camps et la mort – que Navalny est retourné en Russie.

Entre les mailles du filet numérique

Certes, une grande partie des Russes ne connaissent même pas son nom, le Kremlin dictant ses infox, étouffant toute velléité d’indépendance médiatique. Mais Alexeï Navalny a continué à bénéficier d’une grande popularité, notamment au sein de la jeunesse qui se réfère désormais à sa figure tutélaire.

Pour tenter de parer au danger, le Kremlin s’efforce de bétonner l’espace médiatique. Mais il est devenu impossible d’assurer une étanchéité parfaite à l’heure des instruments numériques et des réseaux sociaux.

Tôt ou tard, le fantôme de Navalny se glissera entre les mailles du filet et prendra sa place dans les consciences russes en tant qu’image d’une liberté possible.

Un fantôme ne se relègue pas au Goulag et sa mort le rend immortel. Non, Poutine et son clan mafieux n’ont pas fini d’être hanté par le spectre d’Alexeï Anatolievitch Navalny!

Jean-Noël Cuénod

2 réflexions sur « Navalny, l’indomptable fantôme de Poutine »

  1. L’arbre, on le juge aux fruits qu’il donne…De quel arbre est le fruit « Poutine » ?
    Tantes d’années de Communisme n’ont su modifier ni la Russie Tzariste, ni les méthodes des russes.
    Ils ont toujours pensé régler leurs affaires par le Goulag et ça continue. Soit c’est le Goulag, soit c’est la guerre.
    Ce qui me choque est le silence des soi-disant intellectuels et philosophes toutes organisations confondues !

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