Le soutien des Etats-Unis à Israël semble indéfectible. Alors que Nétanyahou, lors de la présidentielle états-unienne, avait soutenu son ennemi Trump, Joe Biden a conforté l’encore premier ministre israélien lors du récent épisode de Gaza. Toutefois, un récent sondage américain devrait faire réfléchir à Jérusalem et Tel Aviv au moment où la page Nétanyahou est en train de se tourner.
L’institut californien Barna – dédié aux recherches sur le rôle de la foi religieuse aux Etats-Unis– a sondé en mars et avril derniers l’opinion de 700 évangéliques états-uniens âgés de 18 à 29 ans sur leur soutien à l’Etat d’Israël. A part le quotidien français La Croix qui lui a consacré un excellent article (on peut le lire ici), les résultats de ce sondage n’ont guère été commentés en Europe, du moins dans l’espace francophone.
Renversement de tendance
Pourtant, ils illustrent un renversement de tendance dont les futurs dirigeants d’Israël – Nétanyahou se trouvant plus près de la case « justice » que de celle du gouvernement – feraient bien de méditer. La Croix parle même d’ « un revirement spectaculaire, amorcé avant même le déclenchement de la dernière série d’affrontements sanglants entre la bande de Gaza et l’Etat hébreu ».
- En 2018, 75% des évangéliques de cette tranche d’âge 18-29 ans se déclaraient « pro-israéliens » ; ce pourcentage est aujourd’hui tombé à… 33,6% !
- Le sondage Barna indique aussi que 24,3% d’entre eux sont enclins à soutenir la cause palestinienne alors qu’en 2018, ils n’étaient que 2,8% à partager ce sentiment.
- Quant à la création d’un Etat palestinien, près de 45% des jeunes évangéliques s’y montrent favorables contre 20,5% qui s’y opposent.
Un sondage ne fait pas le printemps. Mais les écarts sont suffisamment importants pour en tirer leçon.
Recentrage des jeunes évangéliques
L’une des principales raisons de ce changement a pour nom Trump. Selon d’autres études, les jeunes évangéliques n’ont pas massivement voté pour Moumoute Jaune contrairement à leurs aînés et glissent progressivement de la droite vers le centre.
Nous ajouterons une autre hypothèse qui n’a pas été évoquée par cette étude : la prise du Capitole par les plus radicaux des Trumpistes. Peut-être mesure-t-on mal en Europe le tsunami symbolique qu’a provoqué dans les consciences états-uniennes cette émeute au cœur même de leur démocratie.
Sans oublier le sentiment d’humiliation ressenti par les citoyens de la première puissance mondiale au spectacle d’un président battu qui ne reconnaissait pas l’évidence de sa défaite, comme n’importe quel vieux potentat d’une république bananière.
L’erreur majeure de Benjamin Nétanyahou fut de lier son sort à celui de Donald Trump. Car, il y est allé fortissimo dans le trumpisme militant ! Dès lors, la cause d’Israël s’en est trouvée lésée. Cette erreur a pour source une autre, celle de privilégier de façon quasi-exclusive le soutien des évangéliques. Certes, ils « collent » au gouvernement israélien bien plus que les Juifs des Etats-Unis qui se montrent souvent plus critiques vis-à-vis de la politique de Nétanyahou et ont largement voté en faveur de Biden et du Parti démocrate. Mais privilégier un seul type de soutien dans un pays aussi divers culturellement que les Etats-Unis, c’est témoigner d’une périlleuse myopie. En ne misant que sur le présent, Nétanyahou a joué l’avenir d’Israël au casino.
Fragiles Accords d’Abraham
A court terme, le jeu semble gagnant. Sous l’impulsion de Trump, les Emirats Arabes Unis, le Bahreïn et d’autres pays musulmans (Maroc et Soudan) ont normalisé leurs relations avec Israël grâce aux Accords d’Abraham. Pour une fois, l’ex-président états-unien avait bien joué son coup. Il a profité de la peur verte que les pays du Golfe éprouvent vis-à-vis de l’Iran pour les inviter fermement à serrer la main des dirigeants israéliens.
Toutefois, ces accords restent fragiles. Les Palestiniens sortent grands perdants de cette situation et en appellent à la solidarité musulmane pour convaincre les populations des monarchies à se soulever. En cas de crise dans ces pays, la cause du rapprochement avec Israël sera bien vite sacrifiée pour amorcer un retour aux anciennes alliances.
Rien n’est stable en ce bas monde ; tout est impermanence, comme le disent les bouddhistes. Que fera cette étonnante coalition du genre super-macronien – de la gauche à la droite, du parti islamiste et aux formations juives religieuses[1] – qui va peut-être succéder à Nétanyahou ? Toutes les boules de cristal se sont fracassées depuis belles lurettes au Proche-Orient.
Il n’en demeure pas moins que les futurs dirigeants d’Israël feraient bien de trouver ailleurs que chez les évangéliques et plus loin que la droite des républicains les appuis nécessaires à la défense de la seule démocratie de cette région du monde.
Jean-Noël Cuénod
[1] Le journaliste Brice Couturier a fort raison de souligner la présence du parti islamiste au sein de la coalition qui revendique le pouvoir en Israël en ajoutant que l’on serait bien en peine d’imaginer un parti sioniste dans un pays musulman !
Cher ami
Je partage votre analyse. L’alliance Netanyahu et Trump fragilise Israël car dépendre d’un homme est suicidaire et, comme le dit le Psaume 146.3-4: « ne vous fiez pas aux grands auprès desquels il n’y a pas de salut. Leur souffle les quitte, ils retournent à la poussière et tous leurs projets disparaissent » et même avant!
Bien à vous