Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) a répertorié 150 quartiers qui subissent en France l’emprise de l’islamisme radical. Dans la liste des villes concernées figure Annemasse, située à quelques minutes du centre de Genève et des organisations internationales. D’autres cités proches de la Suisse sont également concernées : Bourg-en-Bresse, Oyonnax et Bourgoin-Jallieu.Si Genève croyait que sa prospérité la protégerait de l’islamisme radical, elle ferait une grave erreur. Le rapport de la DGSI vient de le rappeler. Classé secret-défense, ce document n’a été présenté qu’oralement aux ministres français concernés ; la version écrite n’a donc pas circulé. Ce qui n’a pas empêché le site du JDD (Journal du Dimanche) – relayé ensuite par d’autres médias dont l’application Actu17 (cliquer ici) – d’en présenter les grandes lignes.
L’islamisme radical fait donc son chemin d’Annemasse. Mais contrairement au futur Saint-Paul, foudroyé sur le chemin de Damas, il ne faut pas trop compter sur une lumière aveuglante pour arrêter sa route. Car des lumières, nous en manquons terriblement. Pour comprendre ce phénomène afin de le contrer. Pour choisir la bonne pratique afin d’unir toutes les victimes potentielles de l’islamisme radical, à commencer par les musulmans qui pratiquent leur religion de façon pacifique et respectueuse des lois de leur pays.
Deux mauvaises réactions
Dans la vacuité de la pensée politique que l’on constate un peu partout – en France et en Suisse, notamment – cette information risque fort de provoquer à Genève deux réactions à fleur de peau aussi néfastes l’une que l’autre.
Version droite-droite. Stigmatisation de tout ce qui vient de l’autre côté de la douane. Avec 110 kilomètres de frontière entre la France et Genève (qui n’en que 4 avec la Suisse), les frontalophobes ont de quoi s’hystériser contre le Grand Genève et les voisins savoyards et gessiens. Ça ne sert à rien, la géographie étant des faits le plus têtu. Mais ça soulage et surtout ça peut rapporter aux élections. Mais ça ne fait pas reculer d’un pouce, voire d’un ongle, l’islamisme radical. C’est même contre-productif dans la mesure où ce genre de réaction divise alors que c’est avec les Français que nous devons agir, au lieu de s’épuiser dans de stupides guérillas picrocholines.
Version gauche-gauche. Occultation de tout ce qui pourrait apparaître comme une critique de l’islam et combat contre la laïcité perçue comme une arme islamophobe. On se rappelle le « non » des socialistes et des verts à la Loi sur la laïcité de l’Etat (Dieu merci, ce texte a finalement été approuvé par 55%-45% du corps électoral genevois). Or, plus que jamais cette loi est devenue un outil indispensable pour éloigner les institutions confessionnelles du pouvoir politique et défendre la liberté de conscience. C’est pour avoir négligé d’appliquer, sur le plan le plus local, les règles de la laïcité – surtout par souci électoraliste de ménager les prêcheurs de l’islamisme – que la France a laissé s’introduire dans les quartiers dits « sensibles » cette idéologie liberticide d’un islam pris au pied de la lettre. Ne répétons donc pas les mêmes erreurs.
L’islamisme politique incompatible avec la démocratie
Cette idéologie islamiste ou salafiste est incompatible avec les impératifs démocratiques. Il faut en être conscient et en tirer les conséquences, à savoir le rejet total de toute instrumentalisation politique de la religion, quelle qu’elle soit. La foi est une force qui peut déplacer les montagnes comme le proclame l’Evangile de Marc. Pour le meilleur, pour fortifier les êtres au cours des épreuves qu’ils traversent. Mais elle risque de se transformer en énergie haineuse dès qu’elle sort de son lit, à savoir le cœur des humains, se muant ainsi en marqueur identitaire et en étendard partisan. Le pire est alors, non seulement possible, mais probable.
Cette captation des confessions par une idéologie liberticide ne connaît pas de frontière. Il reste à espérer que les polices en Europe collaborent contre l’islamisme radical et politique. Mais on peut légitimement s’inquiéter lorsqu’un haut fonctionnaire français déclare au Journal du Dimanche que le niveau d’informations partagées – y compris entre l’Etat et la commune et même au sein d’une même préfecture – est de l’ordre de zéro. Si les informations s’échangent mal au sein d’une préfecture française, on peut bien imaginer qu’elles ne circuleront pas mieux entre deux pays, même voisins !
Jean-Noël Cuénod