Petit manifeste pour une gauche post-Macron.II

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Emmanuel Macron et sa République En Marche ont ramassé le pouvoir pour mettre en pratique le social-libéralisme qui consiste à créer une sorte de capitalisme financier à visage humain. Une fatalité? (Suite du précédent texte).Si l’on prend comme principe de base de sa réflexion que l’hypercapitalisme financier est devenu une calamité insurmontable, alors l’option sociale-libérale de Macron présente la solution la plus adaptée à cette situation. Elle offre au moins une issue d’apparence réaliste à la situation économique de la France marquée par le chômage de masse et le déclin industriel. L’actuelle vague d’optimisme qui rafraîchit agréablement la France ainsi que les succès électoraux impressionnants d’Emmanuel Macron et de son parti ­– tempérés par une abstention record – indiquent bien qu’une large partie des Français y adhère.

Les deux anciens pôles politiques – la vieille droite libérale-conservatrice et la social-démocratie défunte – ont été fort logiquement balayés. Les formations protestataires sont également dans l’impasse. Le Front national avance des solutions d’avant-hier (fermeture des frontières) aux défis de la globalisation et la médiocrité de son personnel politique est apparue dans toute sa lamentable ampleur lors des récentes campagnes électorales.

Bien qu’infiniment plus convaincante sur le plan intellectuel, La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon reste elle aussi enfoncée dans un passé à jamais révolu. Son programme vise, par exemple, à surtaxer les revenus supérieurs à 33 000 euros par mois et par personne et à taxer les transactions financières. Et pour appliquer ces fort justes mesures ? Eh bien, on contrôle les capitaux et les marchandises aux frontières nationales! Ce qui ferait rire les hypercapitalistes qui changent de pays en un vol de jet d’affaire et déplacent leurs capitaux en quelques clics de souris.

La majorité des électeurs de gauche s’est rendue compte que cette offre protestataire, pour séduisante qu’elle apparaisse, était inadaptée à la situation présente. Une partie d’entre eux a donc choisi de voter Macron ou LREM, par défaut.

L’option sociale-libérale offre une solution d’apparence réaliste à la situation de la France, disions-nous.

Apparence, en effet, car les médicaments contre la douleur prescrits par le docteur Macron ne combattent aucunement le mal en lui-même, à savoir l’hypercapitalisme. Or, l’«énergie cupide» qui lui sert de moteur est mortifère à plusieurs titres.

La mentalité ambiante induite par l’hypercapitalisme provoque de façon habile la soif d’acquisitions toujours renouvelées. Que les ressources de la planète ne soient pas infinies, tout le monde le sait. Sauf Trump, l’idiot du village planétaire. Mais regardez avec quelle peine, les dirigeants de la planète, tentent de prendre des mesures pour, bien modestement, modérer l’allure de cette «énergie cupide»!

Malgré les discours repeints en vert, la volonté politique n’est pas suffisamment forte pour dompter la puissance de cette machine hypercapitaliste, formée par une myriade d’intérêts commerciaux transfrontières. A l’évidence, les Etats-Nations n’ont pas la dimension nécessaire pour s’y opposer, surtout sur notre continent. Nommer Nicolas Hulot ministre d’Etat à la transition écologique est un très joli coup de marketing politique. Toutefois, au mieux, l’écologiste français numéro 1 pourra initier dans son pays d’utiles expériences. Mais cela n’aurait pas d’effets décisifs à la seule échelle qui vaille en matière d’environnement: la planète. Dès lors, il faudrait trouver d’autres lieux pour que la volonté politique s’exerce. Et en Europe, on ne voit que l’Union qui dispose de la taille critique nécessaire pour prendre cette mission en main. Si du moins, elle le voulait…

Vers un Parti social-écologiste européen?

Dès lors, la nouvelle social-démocratie sera écologiste et européenne ou ne sera pas. Certes, les partis de gauche, du moins ce qu’il en reste, ont mis de grosses louches vertes dans leur programme. Mais cela ne suffit pas. C’est toute une doctrine social-écologiste qu’il est nécessaire de développer. Et surtout, cette social-écologie doit situer son combat en priorité sur le plan européen, pour qu’une réelle volonté politique efficiente apparaisse. Dès lors, l’organisation traditionnelle des partis de gauche claquemurés dans les limites de leurs Etats-Nations est devenue irrémédiablement obsolète. C’est un vaste Parti social-écologiste européen qu’il convient de créer et non un conglomérat de formations nationales incapables d’avoir une action commune en profondeur.

Emmanuel Macron a prouvé qu’il était un stratège politicien particulièrement efficace. Mais ses indéniables qualités intellectuelles ne sauraient dissoudre les chaînes qui le lient à cet hypercapitalisme auquel il doit tout, à commencer par son trésor de guerre. Son social-libéralisme tentera d’insérer, en les formant, le maximum de jeunes dans le flux du travail, grâce à l’ubérisation, sous diverses formes, de l’économie. C’est le rêve de l’hypercapitalisme : transformer le producteur en microentrepreneur pour qu’il accepte, au prix d’une liberté illusoire, de travailler à vil prix. Macron s’évertuera à réduire les rigueurs de cette ubérisation tout en la développant. Mais au bout de ce processus, la précarité sera le lot de la majorité de travailleurs. Moins de chômeurs, peut-être, si tout va bien; plus de pauvres, assurément.

S’attaquer à ce phénomène dans un seul pays est aussi illusoire que de lutter pour préserver l’environnement dans un seul territoire. La réponse à l’hypercapitalisme, là aussi, ne peut provenir que de l’échelon européen.

Ce parti social-écologiste devrait se construire à la base, de façon horizontale pour utiliser au maximum les possibilités offertes par les réseaux sociaux et les nouvelles technologies. C’est en fédérant ces associations locales qui fourmillent en Europe dans tous les domaines, environnementaux, sociaux, culturels que ce parti pourrait se former à l’échelon du continent. La gauche nouvelle jettera aux orties le tout-productif qui fut, si l’on ose dire, sa marque de fabrique. Elle sera à la fois conservatrice – en préservant la nature des appétits voraces de «l’énergie cupide» – et progressiste en s’attaquant à l’hypercapitalisme qui veut faire des femmes et des hommes, des consommateurs ubérisés.

 

La tâche est tellement rude qu’elle paraît insurmontable. Mais celui qui ne lutte pas atteint la rive des morts avant son cadavre.

FIN

Jean-Noël Cuénod

2 réflexions sur « Petit manifeste pour une gauche post-Macron.II »

  1. Bravo, excellent – et pas seult la conclusion, même si ! Crois-tu que Macron aux yeux frits verrait un intérêt à œuvrer ds ce sens ? Quel bouleversement ce serait… Envoie-lui ton papier, ou glisse-le ds la boîte de Brigitte.

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