Migrants : sommes-nous sans cœur, ni cervelle?

migrants-sauvetageOubliée, la photo du petit Aylan échoué sur une plage de Bodrum. Oublié, le millier de migrants morts noyés en deux jours. Nous avons l’émotion courte, submergée qu’elle est par la grande trouille de l’envahissement. En comparaison à cette marée panique, les cadavres clandestins pèsent bien peu. Et tous les discours édifiants n’y feront rien. La peur reste un sentiment plus fort que la pitié.Serions-nous tous devenus d’impitoyables pleutres ? Des salauds pleurnichards ? Pas si vite car ce n’est pas si simple.

Certes, entendre les démagogistes d’extrême-droite bêler comme des moutons enragés qu’il faut continuer à rejeter à la mer des migrants en train de se noyer, c’est à vomir. Lorsque la vie d’êtres humains vacille vers une mort probable, ce n’est pas le moment de leur tourner le dos pour consulter les courbes de la démographie. Leur porter secours est la moindre des choses.

Cela dit, cette situation ne peut plus durer. En votant pour les démagogistes, les électeurs de nombreux pays européens l’ont bien signifié aux détenteurs du pouvoir. Les ignorer sous prétexte qu’ils ont voté pour de sinistres personnages serait suicidaire pour la démocratie. Il faut donc tenir compte de ce sentiment d’envahissement en expliquant qu’un phénomène d’une telle ampleur ne peut pas être réglé par les seules voies nationales, que les partis démagogistes ne règleront rien et ne feront que rendre la situation encore plus ingérable. Fermer les frontières d’un pays et laisser les voisins se débrouiller, cela ne marche pas. Chacun le constate. Les fermetures ne servent qu’à enrichir les intérêts des passeurs mafieux.

Alors vers qui se tourner ? Vers la coopération à l’échelon européen. « Vous êtes cinglé ! Vous avez vu dans quel état d’impotence croupit Bruxelles ? ». D’accord, elles sont nullissimes, les institutions européennes. Mais on a beau tourner le rubikub’s dans tous les sens, seul le continent dispose de la taille critique nécessaire pour dépasser un écueil de cette taille. Il faut donc expliquer, encore et encore, qu’en voulant abattre l’Europe, les démagogistes vont pulvériser le seul espace où l’on puisse élaborer une stratégie efficace pour gérer les migrations.

Expliquer encore et encore qu’avec les partis d’extrême-droite et leurs idiots utiles genre 5-Stelle au pouvoir, c’est l’envahissement garanti. Car ce n’est pas en agissant en ordre dispersé par les nationalismes que l’Europe sera en mesure de faire face.

Sans se bercer d’illusion car la migration fait partie de l’humanité depuis son apparition sur cette planète. Nous sommes confrontés à cette réalité que tous les glapissements démagogistes ne sauraient dissiper : un continent vieux, riche et qui se dépeuple est situé à quelques encablures d’un continent jeune, pauvre et qui est en pleine ascension démographique. Comment croire un seul instant qu’il n’y aura aucun effet de vase communicant entre les deux ? Autant prendre en compte ce phénomène irréversible et l’organiser pour sauvegarder notre mode de vie basé sur l’Etat de droit et la démocratie. Sans oublier de faire vivre les principes de la laïcité, élément essentiel pour encadrer les nouvelles formes de vie en société.

En niant l’évidence et en prônant une illusoire fermeture totale des frontières, les partis d’extrême-droite aggraveront encore la situation actuelle, soit une immigration désordonnée et anarchique placée dans les mains mafieuses du passage clandestin. Chez les démagogistes, côté cœur, c’est le désert et côté cervelle, ça sonne creux.

Jean-Noël Cuénod

1 réflexion sur « Migrants : sommes-nous sans cœur, ni cervelle? »

  1. Tentative de salubrité idéologico-politique, s’appuyant sur une photo d’une bouleversante beauté tragique ! (ce pourrait être un tableau de Géricault, de Michel-Ange, voire du Caravage)
    Merci Jean-Noël
    Marc

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