L’écologie, ça commence à mal faire!

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L’effondrement du glacier sur le village de Blatten ©Etat du Valais

Vous avez aimé l’exclamation de Sarkozy, alors président, «l’écologie, ça commence à bien faire»? Vous allez adorer la Loi Duplomb. Du plomb? Pas dans les cervelles des parlementaires en tout cas. Une mauvaise nouvelle ne venant jamais seule, la Cour d’appel administrative vient d’autoriser le chantier de l’autoroute A69. Et puis voilà, j’apprends l’écrasement d’un village qui m’est cher, Blatten.

La Loi Duplomb constitue un spectaculaire retour en arrière sur les quelques réformes prises en faveur de l’environnement. Le site Reporterre dresse la liste des méfaits introduits par ce texte inspiré directement par le syndicat FNSEA qui représente les intérêts de l’agro-industrie:

La loi Duplomb prévoit de réintroduire des pesticides dangereux, d’encourager l’épandage par drones, de favoriser la construction de mégabassines et de fermes-usines, de détruire les zones humides et d’affaiblir l’indépendance de l’Anses, l’agence nationale chargée d’évaluer et d’autoriser la mise sur le marché des pesticides.

Camps de concentration pour gallinacés

N’oublions pas la mal-bouffe, ce serait dommage. La loi Duplomb prévoit en effet de faciliter l’installation des mégapoulaillers – ces camps de concentration pour gallinacés – « en élevant les seuils de ces élevages soumis à autorisation, en passant par exemple d’un élevage de 40 000 volailles à 85 000 volailles », selon Reporterre.

Autre effet négatif, selon Thomas Guibert, syndicaliste à la Confédération Paysanne cité par ce même site:

 La réintroduction de certains pesticides va nuire aux abeilles et donc nuire aux apiculteurs… qui doivent déjà faire face à des importations cassant les prix ». Sans parler des baisses de rendement dues à une pollinisation en baisse des fruits et légumes.

La FNSEA à la manœuvre

Qui est Laurent Duplomb, l’auteur de la loi? Un sénateur LR, qui a exercé la présidence de la Chambre d’agriculture de la Haute-Loire pour le compte de la FNSEA. Cela explique pourquoi figurent dans sa loi, les principaux desiderata du syndicat de l’agro-business.

Lundi, à l’Assemblée nationale qui devait examiner la loi Duplomb, un bloc naturophobe s’est constitué allant du centre jusqu’à l’extrême-droite en passant par les LR et les macroniens de diverses coteries. Cette coalition a légalement magouillé de façon à éviter un débat (Le Monde explique la manœuvre) et à faire adopter le texte via la Commission mixte paritaire composée de sept sénateurs et du même nombre de députés.

Les rouges, roses et verts n’y ont vu que du bleu!

Il faut dire que la gauche, opposée à la loi Duplomb, s’est coincée elle-même dans la nasse en multipliant les amendements plus ou moins bidons. Le bloc naturophobe en a profité pour exercer leur tactique d’évitement. Bref, les rouges, les roses et les verts, n’y ont vu que du bleu.

Brillante, la représentation nationale! En tout cas, il ne faut pas compter sur elle pour défendre la nature – il parait que les humains en font partie, si, si! – victime des multiples assauts que les forces du technocapitalisme lui réservent.

A69: coup de poignard en appel

Autre coup de poignard: la Cour d’appel administrative de Toulouse a autorisé la reprise du chantier de l’autoroute A69 – 53 kilomètres entre Toulouse et Castres – qui avait été suspendu en première instance. La décision des juges administratifs d’appel est une mesure provisoire d’urgence; ils doivent encore se prononcer sur le fond du recours déposé contre la construction de l’A69. Cela dit, les pelleteuses et les bulldozers vont d’ores et déjà entrer en scène.Voici les trois principaux dégâts induits par cette autoroute selon le site Novethic:

– dégradation des nappes phréatiques suite à l’extraction des matériaux nécessaires à la construction;

– augmentation des émissions de CO2 du fait de la circulation des 8 000 véhicules légers attendus quotidiennement sur le nouveau tronçon;

– artificialisation de centaines d’hectares de terrains.

Offensive tous azimuts contre l’écologie

Ces deux mauvaises nouvelles ne sont nullement des coups de tonnerre dans un ciel serein. Elles s’inscrivent dans l’actuelle offensive contre les trop rares mesures protégeant la nature. Offensive que l’on constate un peu partout dans le monde, comme si le retour de Trump à la Maison-Blanche avait libéré le flux de la haine contre l’écologie.

Tout est bon pour l’attiser, cette haine. Notamment l’exploitation de mauvaise foi des erreurs commises par les élus écolos – en oubliant que les élus des autres partis en font au moins autant.

Pourquoi cette haine du vert?

Mais il y a quelque chose de plus profond dans cette sinistre mentalité en ce qu’elle est aussi une haine de soi. Elle grandit au fur et à mesure que les constats scientifiques démontrent – de façon de plus en plus évidente – qu’en continuant le délire collectif du « toujours plus », nous courons à la catastrophe climatique.

Celle-ci ne frappera pas la nature – elle s’en sortira toujours – mais l’humanité. La nature trouvera bien les moyens pour se débarrasser de ce mégaparasite qui l’empêche de persévérer dans son être.

Nous le savons. Nous ne faisons rien. Nous en sommes angoissés. D’où notre colère. Et toute colère doit trouver son exutoire. Guidons-la contre les écolos, ça ne mange pas de pain! D’autant plus qu’avec les sécheresses et les inondations qui s’annoncent, nous risquons fort d’en manquer, du pain…

Et Blatten est écrasé par son glacier…

J’en étais là de mon scribouillage, avec cette chute qui ne mange pas de pain, mercredi soir. Lorsqu’une chute d’une tout autre nature et d’une ampleur gigantesque m’oblige à reprendre le clavier.

Le glacier du Birch s’est écrasé mercredi sur Blatten, village cher à mon cœur et à celui de ma femme. Ecrasé, détruit à nonante pour cent par des millions de mètres cube de glace, de roche, de débris divers.

Les parois rocheuses qui surplombent Blatten menaçaient de tomber depuis une dizaine de jours. Or, c’est le glacier lui-même qui s’est effondré. Le village avait été évacué dès ce moment-là. Heureusement, car de Blatten, il ne reste presque rien. Il n’empêche, un homme de 64 ans qui se trouvait dans la zone d’éboulement est porté disparu. Des chiens de recherche sont actuellement au travail.

Blatten se situe au cœur de l’une des plus belles vallées des Alpes, le Lötschental, dans la partie germanophone du canton suisse du Valais majoritairement francophone.

Les amas rocheux ont formé un grand barrage à la Lonza, une rivière tumultueuse, créant un lac qui ne cesse de monter et menace d’autres villages.

Inscrit au patrimoine mondia

lPendant une quinzaine d’années, nous avons parcouru de long en large, en haut, en bas ce paradis alpestre, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. Blatten n’a rien d’une usine à skieurs-touristes comme il y a en a tant qui défigurent la montagne.  Ses 303 habitants sont des paysans, des artisans, des ouvriers. Des montagnards rugueux, pas causant– et quand ils causent, c’est dans un dialecte à râper les oreilles – pas le genre non plus à faire des ronds de jambe pour plaire aux touristes.

Mais les voilà attachés à cette terre tellement rude et tellement belle par toutes les fibres de leur âme et de leur corps. Et comme je les connais un tout petit peu, cette épreuve les rendra encore plus déterminés à faire vivre leur vallée.

Une vallée riche d’une culture particulière, unique même, celle des masques que des artisans initiés confectionnent et qui ressemblent comme des frères à ceux qui sont créés en Afrique par d’autres hommes attachés à leur terre.

Suisse condamnée pour inaction climatique

Spécialiste des glaciers à l’Université de Lausanne, Christophe Lambiel évoque à la RTS (Radio-Télévision-Suisse) le réchauffement climatique, « cause probable » de l’effondrement du Birch; « La raison: il se trouve sous une haute paroi rocheuse prise dans un permafrost qui s’est dégradé sous l’effet du réchauffement ces 10-15 dernières années. »

A méditer par tous les crétrumps qui, pendant des dizaines d’années ont fait perdre un temps précieux au monde par leur refus de prendre en considération l’évidence du dérèglement climatique.

A méditer surtout par les dirigeants politiques suisses. Le 9 avril 2024, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la Confédération helvétique pour son manque d’action climatique. Blatten vient de sonner l’heure des comptes à régler.

Aujourd’hui, c’est l’Ascension.

Ascension du Fils de l’Homme vers un ciel par l’homme pollué.

Jean-Noël Cuénod

5 réflexions sur « L’écologie, ça commence à mal faire! »

  1. Ah cher Jean-Noël ! Comme il est difficile de rester optimiste !
    Et pourtant, je veux y croire ! La vallée du Lötschental est belle.
    La vie est belle. Continuons à cultiver le Beau.

  2. Quel chemin emprunter pour modifier la voie qui se dessine devant notre avenir? …j’entends celui de la planète? La seule pensée qui me vient à l’esprit, c’est de faire et de parler avec passion et respect de l’Union que Nous avons avec les le Tout.

  3. Bravo Jean-Noel , tu touches là où ça fait mal!
    Mais malheureusement, depuis » printemps silencieux » de Rachel Carlson toute atteinte à notre confort et à une remise en question générale de notre manière de vivre n’est pas à l’ordre du jour !
    Continues de ronger la falaise de l’indifférence… qui sait?

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